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David Yee

Lauréat, 2023

Image : Nom, Titre, Description

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Biographie

David Yee est un dramaturge et acteur de race mixte (moitié chinois, moitié écossais), né et élevé à Toronto. Il est le cofondateur et le directeur artistique de la fu-GEN Theatre Company, la première compagnie de théâtre professionnelle canado-asiatique du Canada. Acteur et dramaturge nominé aux prix Dora Mavor Moore, ses œuvres ont été produites à l'international et au Canada. Il a été nominé à deux reprises aux Prix littéraires du Gouverneur général pour ses pièces lady in the red dress et carried away on the crest of a wave, cette dernière ayant remporté le prix en 2015, ainsi que le prix Carol Bolt en 2013. Yee a été en résidence au Tarragon Theatre, au Factory Theatre, au Festival de Stratford ainsi qu’au Cahoots Theatre, et travaille souvent avec des institutions de formation théâtrale (ENT, Université de Toronto, la TMU) utilisant sa méthode unique de création théâtrale sur mesure afin de créer de nouvelles pièces pour les cohortes de finissant(e)s. Il enseigne actuellement la dramaturgie à l'Université de Toronto et a beaucoup travaillé au sein de la communauté canado-asiatique en tant qu'artiste et porte-parole.

2023 Protégée

Julie Phan

Discours d’acceptation

Ceci est un honneur incroyable. À tel point qu'il me semble qu'il doit quasiment s'agir d'une erreur administrative.

Mishka, Bernie et d'bi. Quand j'ai appris pour la première fois que nous étions les quatre, je me suis fait la réflexion que ceci pourrait facilement revenir à quiconque parmi nous, et que peu importe le résultat, je serais si heureux pour la personne qui serait honorée. J'étais tout simplement ravi de me retrouver parmi vous. Vous êtes redoutables, les trois, et par dessous tout vous êtes bienveillantes. Vous êtes le genre d'artistes parmi lesquels je suis fier d'être compté, mais vous êtes aussi le genre d'humains que j'adore.

Je peux en dire autant au sujet de chaque humain qui a fait partie de ce processus Siminovitch, en commençant par Aimée et Sam, jusqu'à Video Company. Je pense que votre bienveillance, et le niveau de professionnalisme et de prévenance que vous apportez à cette célébration sont inspirés par la bienveillance et la prévenance de Lou et d’Elinore Siminovitch. D'après ce que je sais et selon ce qu'on m'a dit, je crois bien que c'est le cas. Si l’héritage de Lou et d’Elinore est que les artistes se sentent valorisés d'une manière si rarement ressentie, surtout de nos jours… alors il est entre de bonnes mains avec vous. 

Pardonnez-moi, car j'écris rarement à la première personne. Cela est devenu une sorte de thème pour moi, ces derniers mois, d'avoir à penser et à parler en mon nom, et non à travers un personnage que j'ai créé. Ayant toujours été épaté par et envieux de ceux qui pouvaient parler de leur pratique artistique avec passion et éloquence, la préparation du documentaire que nous venons tous de visionner a été, pour moi, un cauchemar d'anxiété. Quand je m’entends hasarder la même chose, mon cerveau a tendance à s'arrêter net. Interrogées sur leur art, d'autres personnes – me semble-t-il – arrivent à se situer dans le monde à un degré qui me pose, personnellement, des difficultés. Elles savent, et ont la capacité d'exprimer, ce qu'elles pensent et ressentent d'une manière qui m'échappe, la plupart du temps. 

Bien sûr, cela ne peut pas être vrai. Je dois avoir des opinions profondément ancrées sur beaucoup de choses, puisque je suis une personne dans le monde. Comment une personne peut-elle vivre autrement ? Une telle personne vivrait avec une limitation émotionnelle s'apparentant à une absence de vision stéréoscopique : parfaitement insouciante des complexités et de la dimensionnalité de la vie. Je ne peux être cela. 

C'est ainsi que je deviens décalé avec moi-même. Confronté à une réalité que je sais ne peut pas être vraie. Conscient du fait que je dois être plus que ce que je crois possible, mais vraisemblablement– en ce qui me concerne– incapable d'intégrer cela. C'est ainsi que je me tourne vers l'écriture.

En écrivant d'autres personnes, je commence à prendre vivement conscience de mes propres sentiments, de ma propre place. Pas en tant que point de mire, mais en tant qu'observateur et gardien de ce point de mire qu'est, toujours, le personnage. Être au service du parcours d’une autre personne exige que je me confronte, pour elle, aux obstacles dont je suis aussi le créateur… que je conçoive un monde dans lequel les enjeux de mon personnage sont plus grands que les miens… Je crée une métaphore que je peux comprendre dans ma propre vie. C'est une façon quelque peu détournée d'approcher la vie et je ne le recommanderais pas à la plupart des gens, n’était-ce pour un détail relativement crucial : au cœur de ce processus (c'est généreux d'appeler cela un processus, il s'agit plutôt d'une pathologie)… se trouve, obligatoirement, l'empathie.

Nous vivons une époque où la réalité objective s’est transformée en un concours d'opinion. Les revendications de la société ont surpassé sa compassion. Au lieu de communautés, nous avons des individus et leurs adeptes, chacun constituant maintenant une communauté à part entière, mais ne faisant partie d'aucune autre. Nous privilégions le tribalisme à la communauté, le jugement à la compréhension et l'intransigeance à la raison. Nous avons atteint le point culminant de La Source Vive.

L'acte d'écrire est – en revanche – foncièrement un discipline d’exercice de la prévenance. Ce que je trouve intéressant, puisque le théâtre est également, foncièrement, basé sur le conflit. Ce qui veut dire qu'en tant qu'écrivains, nous exerçons de la prévenance dans la conception des conflits. Pour ce faire, nous devons faire preuve, dans notre travail, d'une compréhension fondamentale des deux faces de chaque conflit. Nous devons chercher à comprendre l'inconcevable, ou pire, ce avec quoi nous sommes essentiellement en désaccord. Chaque méchant est un héros aux yeux de quelqu'un et donc, dans notre travail, nous n'écrivons que des héros et laissons le public trancher. C'est la seule façon honnête de créer : sans jugement, avec considération et avec bienveillance.

J'enseigne l'écriture dramatique à l'Université de Toronto, et je dis à mes étudiants qu'il arrive un moment dans le processus de création d'une pièce où vous devez céder le contrôle à la pièce elle-même. Quand la pièce commence à vous dire ce qu'elle veut être. Si vous continuez à essayer d'en faire ce que vous voulez, il n'en résultera que désolation. Si vous avez été honnête avec votre univers, avec vos personnages, si vous les avez compris et honorés… alors ils iront jusqu'au bout et vous n'aurez qu'à suivre. 

C'est ce que l'écriture m'a appris : comment écouter quelque chose de plus grand que moi. Pas seulement comme une façon de créer, mais comme une façon de vivre dans le monde. 

Et donc nous voilà, diamétralement opposés à la préoccupation sociétale avec le soi, à la recherche des grandes vérités. Nous ne trouverons pas ces vérités dans l'indignation, dans le nombre de followers, ni dans le commerce… nous les trouverons les unes dans les autres. 

Ou du moins, c'est ce que je crois.

Tout cela étant dit, je ne saurais créer le travail que je crée, ni continuer à comprendre le monde comme je le fais sans la chance que j'ai eue d'avoir des mentors qui m'ont défendu. Sans leur soutien, il y a longtemps que j'aurais abandonné. Ron et Lloyd, Jean Yoon et Yvette Nolan. N'était-ce pour eux, tout aurait été perdu d'avance. Et ma mère. Que Dieu me vienne en aide si j'oublie de mentionner ma mère.

La chance m'a également souri en m’entourant de pairs et de collègues que je chéris et avec lesquels je collabore aussi souvent que possible. Mes co-conspirateurs chez fu-GEN : Deb Lim et Marissa Orjalo, Ramsay, Joanna, Alex Punzalen, Bensimon, Camie, Amy Lee et Omari, McGeachy… bien que ma collaboratrice la plus constante, la productive et la plus ennuyeuse dans cette vie artistique a été la bénédiction qu'est Nina Lee Aquino. Nous avons bâti nos carrières ensemble à partir de zéro, deux idiots qui ne savaient rien de rien. Bien que je soupçonne qu'elle savait, en fait, des choses dès le début et qu'elle ne me l'a jamais dit. Ce n'est pas hyperbolique de dire que je ne serais pas là sans elle. Non pas qu'elle ait écrit une lettre de soutien ou quoi que ce soit du genre… elle n'en n'avait rien à cirer, elle dirige le CNA pour l'amour de Dieu. C'est une artiste exceptionnelle, une collaboratrice généreuse et une conductrice effroyable. Et personne ne m'a terrifié plus et inspiré autant qu'elle. Ce prix, dans son essence, nous appartient vraiment à tous les deux. Dans son essence. Pas monétairement. En essence

Stephen King a dit que chaque fois qu'il voyait un premier livre dédié à une femme ou à un mari, il se disait : Il y a quelqu'un qui sait.« Écrire est un travail solitaire. Avoir quelqu'un qui croit en vous fait toute la différence » C’est avec cela en tête, que je voudrais pouvoir revenir à mon premier livre et le dédier à Vienna Hehir. Parce qu'après une longue vie sans savoir, je suis maintenant quelqu'un qui sait. Elle croit en moi, férocement, et je lui suis reconnaissant pour chaque instant à ses côtés. Le soleil se lève et se couche avec elle. 

Merci pour cet honneur. J'aimerais faire les choses différemment demain, mais pour ce soir, tout est parfait.

Enfin, il n'y a plus rien à dire

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