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Kim Collier

Lauréate, 2010

Image : Nom, Titre, Description

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2010 Lauréate

Avant de commencer sa carrière de metteure en scène, Kim a étudié le théâtre à l’Université de Victoria, le théâtre physique à Mime Unlimited, à Toronto, et obtenu, en 1994, un diplôme d’interprétation sanctionnant trois années d’études au Studio 58 de Vancouver. Un an plus tard, elle participe à la fondation de l’Electric Company Theatre dont le travail est rapidement reconnu à l’échelle nationale comme moteur de la renaissance du théâtre indépendant à Vancouver. Sous sa direction, la compagnie a créé une dizaine d’œuvres originales, issues d’un intense processus de collaboration, dont trois productions majeures « spécifiques au site ». Kim est de plus en plus présente sur les grandes scènes canadiennes et dans les festivals du pays, notamment au Theatre Calgary, au Festival TransAmérique, au Centre national des Arts, au Citadel Theatre et à la Canadian Stage Company. En 2011, son interprétation cinématique en direct de No Exit sera présentée par l’American Conservatory Theatre, à San Francisco. Kim a reçu de nombreux prix, notamment trois prix Jessie Richardson pour la mise en scène, un prix Betty Mitchell récompensant la meilleure production et, en 2009, le prix du Maire de Vancouver pour les arts.

Discours d’acceptation

Quel formidable honneur, que celui de recevoir le Prix Siminovitch (sim-in-ove-itch) de la mise en scène. J’aimerais exprimer mes remerciements les plus sincères aux fondateurs de ce prix, à la fois pour avoir offert cette chance merveilleuse, à moi et aux autres lauréats, mais aussi pour tout ce que cela signifie pour le théâtre canadien. Merci à BMO Groupe Financier de soutenir ce prix et d’organiser cette soirée. Je souhaite également exprimer ma gratitude à Maureen Labonté, présidente du jury, et aux membres du jury Marcus Youssef, Marti Maraden, Marie Clements, Alain Jean, et Jillian Keiley. Merci aussi à Matthew Jocelyn, qui a si bien pris soin de ma nomination.

Il est merveilleux que ce prix rende hommage à la remarquable histoire de Lou Siminovitch et de sa femme, la regrettée Elinore, et aux liens qu’ils faisaient naître entre l’art et la science. C’est dans cet esprit que j’aimerais évoquer l’anecdote suivante : il y a quelques années, à la demande du Dr Michael Hayden, du Centre de médecine moléculaire et de thérapeutique, mes collaborateurs de l’Electric Company et moi-même avions monté une pièce intitulée The Score, une pièce qui deviendra par la suite un long métrage diffusé sur CBC. On attendait de notre projet qu’il suscite une discussion à propos de l’aspect éthique de la génétique, un domaine sans cesse en évolution. Nous nous sommes plongés dans nos recherches, profitant de l’accès que nous avions au laboratoire et à l’équipe de chercheurs de Michael. Ce qui nous a le plus surpris alors, c’était de nous reconnaître en tant qu’artistes dans cette communauté scientifique : c’est la même passion qui nous pousse à aller vers l’inconnu, à explorer des idées et à formuler des questions, à nous lancer dans des projets novateurs pour améliorer la condition humaine et à montrer une insatiable curiosité pour notre travail. Nous nous sommes fait des amis extraordinaires et je crois que nous avons contribué à la création d’un véritable dialogue au sein d’une communauté élargie. Je remercie donc tout particulièrement Lou et Elinore, les inspirateurs de ces récompenses qui savaient, chacun, lire dans le cœur de l’autre et comprenaient les idéaux partagés de l’art et de la science, qui ont plus de points communs que de différences.

Lorsque j’ai reçu l’appel de Maureen m’annonçant que j’allais être la lauréate de ce merveilleux prix, j’ai été abasourdie et submergée par l’émotion. Et puis après avoir raccroché le téléphone, ma première pensée a été celle-ci : « Comment suis-je arrivée là ? Qu’est-ce qui a déclenché cette passion dévorante que j’ai pour le théâtre ? »

Immédiatement, je me suis mise à penser à la façon dont mes parents m’ont élevée, m’encourageant à croire en mes rêves et en la vie.

J’ai grandi entourée d’une multitude d’actes de création essentiels et pratiques : la poésie prolifique de grand-mère, son tissage, sa broderie, ses toiles et ses pâtisseries. Papa travaillant dans son atelier, le soir, pour faire des bijoux ou des meubles, sculpter des planches à découper personnalisées pour chacune des femmes de la famille. Son jardin. Mes cousins, mes frères et moi faisant des cartes, des maisons hantées, des émissions de radio, des films super 8 et des forts. Le jardin de grand-père. Grand-mère en train de jouer du piano, moi en train de jouer du piano. Grand-père qui se mettait à chanter en rencontrant quelqu’un, et pour qui il réussissait toujours à trouver une chanson comportant son prénom. Sans oublier les chansons transmises de génération en génération, entonnées par mes oncles et tantes et reprises en cœur autour d’un feu de camp. Dans cette incroyable application à vivre, à être ensemble, j’ai eu l’avantage de savoir très tôt ce qui était vraiment essentiel dans la vie.

Je viens d’une famille puissante. Puissante, dans le sens où elle est chargée d’amour ; pour le meilleur et pour le pire, nous nous exprimons à cœur ouvert, nous choisissons de nous soutenir mutuellement et nous ne nous cachons rien.

Quand j’étais enfant, ma mère me disait toujours : « Tu peux faire tout ce que tu veux, dans ce monde. » Mon père, lui, disait : « Ne te dépêche pas d’atteindre ta destination dans la vie parce qu’une fois que tu y seras, tu y seras pour longtemps, alors amuse-toi en chemin. » C’est à l’université de Victoria que j’ai suivi mes premiers cours de théâtre. J’ai quitté le programme avant la fin et suis partie faire du vaudeville dans le Yukon, au Palace Grand Theatre. Mon père m’a alors suggéré d’utiliser une partie de la somme que ma mère et lui avaient mise de côté pour mes études afin de m’acheter une fourgonnette Volkswagen. Quand j’ai voulu la transformer en véhicule de camping pour y vivre, il m’a aidée à enlever les sièges et à construire un lit, des placards et des tiroirs. Un mois plus tard, environ, je l’appelais de Dawson City pour lui dire que j’avais très envie de peindre des motifs sur la carrosserie, mais que je craignais que cela fasse baisser la valeur de revente du véhicule. Peu après, je recevais une boîte de couleurs expédiée par mes parents. Ils me donnaient le sentiment que tout était possible, une permission de reconnaître que le bon choix n’est pas toujours le plus pragmatique. Et avec tout cela, ils me faisaient le cadeau de la liberté.

J’appartiens à une communauté magnifique, compliquée, politisée et passionnée, c’est ma famille, et grâce à elle, à cette tribu, j’ai toujours eu le sentiment de faire partie de quelque chose, de savoir clairement qui j’étais. Enfant, j’étais consciente du fait que cela me distinguait des autres enfants. J’étais une marginale, une marginale parfaitement intégrée à sa tribu. Mais c’est cette différence qui me poussait à créer une communauté.

Et je pense qu’en fin de compte, si l’on y regarde bien, au-delà de l’amour de l’art, au-delà de mon ambition, au-delà de la sueur, des larmes, de l’angoisse et de l’enthousiasme, du stress et du doute, ce que j’ai toujours cherché à faire, avec mon œuvre théâtrale, c’est créer une communauté. Créer des moments dans le temps qui seront incontestablement présents et partagés. Impliquer directement les membres du public. Déclencher leur lien, intellectuel ou émotif, avec le contenu, leur lien avec eux-mêmes et avec les autres. Provoquer, susciter une discussion après la représentation ou même insister pour qu’il y en ait une. Donner au public une fabuleuse occasion de se sentir vivant. Vivant parce qu’il vient de participer à une expérience qu’il n’avait encore jamais connue et à laquelle il ne s’attendait pas.

Je crois que les gens ont besoin de sentir ce niveau de qualité que l’on ressent lorsqu’on est inclus dans un processus, lorsqu’on fait partie d’une entité plus grande que soi, là où le lien physique, émotif ou spirituel qui nous rattache aux autres est authentique.

Pour moi, la scène est cet espace rare où nous partageons des questions sur notre identité et nos croyances, où nous trouvons une expérience collective dans un monde sans cesse plus médiatisé, un monde qui nous sépare et nous pousse vers l’isolement.

J’ai participé, au cours des quinze dernières années, à une remarquable renaissance dans le milieu du théâtre de création à Vancouver. C’est là que de nombreuses compagnies de théâtre de création ont fait le choix conscient et public de ne pas se traiter en concurrentes, mais plutôt en collaboratrices et collègues dans un esprit de ressource partagée et, plus important encore, d’amitié. Je crois que c’est ce choix, plus que tout autre, qui a permis à notre art de progresser jusqu’à devenir le milieu dynamique que l’on connaît maintenant, de créer de nouvelles institutions culturelles et d’aider des artistes indépendants travaillant à Vancouver à monter des spectacles qui seront ensuite présentés ailleurs au Canada et à l’étranger. J’accepte cette récompense en hommage à tous les merveilleux artistes de théâtre avec qui j’ai travaillé à Vancouver, alors que nous poursuivions ensemble un rêve : la création et la diffusion d’un théâtre propre à notre ville, à notre pays et à notre époque.

Le fait qu’ensemble nous sommes plus forts m’est toujours apparu comme une évidence et a été pour moi une grande source de motivation. Mon expérience m’a enseigné que nous pouvons provoquer de profonds changements au sein de cette communauté, simplement en ayant une vision, en invitant les autres à partager cette vision et en laissant chacun se l’approprier.

Mais nous faisons face à certains défis, à Vancouver. C’est une ville jeune et une province où la fonction essentielle de l’art et de la culture n’est pas encore assez largement appréciée ou comprise. Les réductions budgétaires massives et décomplexées effectuées l’année dernière dans le secteur culturel provincial en sont une preuve flagrante. Nous avons besoin que nos collègues provinciaux de la culture, du gouvernement et des affaires aident les décideurs de la Colombie-Britannique à comprendre ce que bon nombre de nos concitoyens savent déjà : l’art n’est pas une fioriture. Il est essentiel au développement d’une population cultivée, engagée et active ; une population qui, dans le contexte d’une société définie par des intérêts financiers, nous aide à définir activement les valeurs du monde dans lequel nous souhaitons vivre.

Il est crucial que des prix nationaux d’importance comme le Prix Siminovitch reconnaissent l’excellent travail accompli dans cet immense pays et qu’ils contribuent à communiquer la valeur de l’art. Le fait que ce prix attire l’attention sur notre communauté de Vancouver en cette année de coupures budgétaires est particulièrement précieux.

J’aimerais maintenant évoquer certaines des relations professionnelles les plus significatives qui ont joué un rôle crucial dans ma carrière.

ODE à Jan. La poésie et la magie des « appels ».

Le régisseur de plateau, c’est le chef d’orchestre au centre d’une composition de théâtre intégré, installé à la barre d’une pièce, dirigeant les éléments de machinerie de la scène pour en faire des histoires vivantes, des illusions et des rêves. Un régisseur de plateau respire avec le public, sentant avec les acteurs la forme que prend une pièce, lui donnant vie soir après soir. J’adore le fait qu’en 2010, alors qu’autour de nous, tant de choses sont devenues automatisées, au théâtre, peu importe le niveau de sophistication, il y a toujours une personne en chair et en os pour « faire les appels ». « Appel », quel mot merveilleusement suranné… Un simple code chuchoté fait de « tenez-vous prêts » et de « allez-y » qui forment une chaîne humaine d’imperceptibles actions physiques : hisser des cordes, tirer des rideaux, changer de costume ; les objets passent de mains en mains, les corps se glissent dans l’obscurité et le silence, le tout dans la peur d’être aperçu, de faire une erreur et de tout interrompre. Que fait-on alors ? Le régisseur de plateau doit intervenir, penser vite et sauver la journée.

J’ai eu la chance immense de travailler pendant la plus grande partie de ma carrière avec une régisseuse de plateau remarquable. J’aimerais, ce soir, rendre hommage à sa capacité phénoménale et surhumaine à faire les appels pour un spectacle et à gérer un processus créatif. Il s’agit de la merveilleuse et talentueuse Jan Hodgson. Je ne compte plus le nombre de fois où je me suis agenouillée à ses pieds en reconnaissance de son génie. Elle possède l’intuition d’une artiste et sans cela, les projets que nous avons montés ensemble auraient été privés de sa grâce, de son sens de la synchronisation et de son style. Jan, je t’aime – on se voit demain à la technique.

Pendant plus de 15 ans, j’ai créé des spectacles avec Kevin Kerr et Jonathon Young, mes collaborateurs de longue date. En 1996, nous avons fondé, avec David Hudgins, une compagnie de théâtre appelée The Electric Company. Et pendant des années et des années, nous avons fait de la création théâtrale ensemble. Difficile d’exprimer ce que nous avons représenté les uns pour les autres et ce que nous avons accompli ensemble. Ce prix, bien sûr, est à partager avec Kevin et Jonathon pour leurs idées, leur créativité et leur intelligence, qui imprègnent mon travail. Nous avons été véritablement courageux les uns avec les autres et déterminés à faire le meilleur travail possible. Nous avons repoussé nos propres limites et, parfois, les limites de notre art. Je me demande s’il est même possible pour nous de ne pas travailler ensemble, tant nous partageons une synergie artistique rare. Je veux juste dire à quel point j’ai été inspirée et mise au défi par vous deux. Vous avez tous deux été mes plus grands alliés au théâtre, ma plus grande éducation au théâtre et mes plus grands amis. Merci à vous, Kevin et Jonathon, pour votre intégrité, votre humanité et votre inlassable complexité. Il est tout à fait remarquable que nous ayons résisté, au fil du temps, à l’intensité du processus créatif et que nous soyons en mesure de nous qualifier de plus grands amis.

Ma fille Azra North Young aurait été très fière de sa maman, aujourd’hui. Elle a soutenu mon travail de façon merveilleuse et a passé d’immenses chapitres de sa vie à mes côtés, en salle de répétition, dans les fauteuils d’un théâtre, lors de lectures, de réunions du conseil, en tournée… et elle aimait tous nos spectacles. Nous l’avons toujours considérée comme le cinquième membre de l’Electric Company. Elle était encore bébé lorsque nous avons commencé et je suis devenue metteure en scène en même temps que maman. En réalité, ce tiraillement émotionnel que je vivais, entre ma passion du travail et mon désir d’être une bonne mère, n’a jamais été résolu. De bien des façons, j’avais l’impression d’être une pionnière en créant des moyens de faire cohabiter ces deux immenses engagements. Je crois que l’un des grands cadeaux que Jon et moi avons faits à notre troupe de théâtre, c’est de prouver qu’il est possible de placer à la fois la famille et le théâtre au centre de notre vie. À toutes les metteures en scène et les créatrices qui ont des enfants : bravo, soyez courageuses et brisez le moule – faites entrer vos enfants dans la salle, allaitez-les entre deux scènes, emmenez-les en tournée, chuchotez en parlant de procédés, d’acteurs, de ce qui a fonctionné ou pas. Laissez vos enfants prendre leur place dans votre vie, laissez-les se nourrir de votre passion.

Nous avons perdu Azra et ses cousins dans des circonstances tragiques il y a un peu plus d’un an. Ce n’est pas le moment de parler de ces choses-là et en même temps, si… parce que lorsqu’on vit une perte aussi douloureuse et impossible, on redécouvre à quel point, dans de tels moments, l’art résonne avec un écho d’autant plus puissant. Seuls les mots tissés en poésie peuvent reconnaître et dire votre peine. Seule la musique peut exprimer l’esprit du divin. Seule la danse peut dire l’essence spirituelle de ma fille. Seule la communauté se rassemblant pour élaborer rituellement un mandala pouvait m’apporter une quelconque forme d’espoir et de foi. Le théâtre est un rituel, le théâtre est une poésie, le théâtre est une communauté. Le théâtre a été ma raison de continuer avec le maigre espoir de faire en sorte que d’autres estiment que la vie vaut la peine d’être vécue – de donner du sens, de l’espoir ou une forme de libération.

Le théâtre, c’est cet infini lieu de découverte dans lequel nous pouvons toujours trouver du nouveau, de l’étrange, du remarquable, de la profondeur, de la sagesse. C’est la muse de mon éternelle quête.

Il y a quelque chose de divin dans le fait que je reçoive ce prix à cette étape de ma vie. Je crois que l’année, le mois et le jour ne pourraient être mieux choisis. Et je m’engage à honorer ce prix, à ne pas oublier ce cadeau et à ne pas oublier non plus à quel point, grâce à cette occasion, la possibilité m’est offerte de renforcer mon cœur, ma vision, mes connaissances et ma compréhension des choses. Je fais le vœu d’insuffler cette inspiration à mon travail dans l’espoir qu’il atteigne et inspire une plus large communauté.

L’un des merveilleux aspects de ce prix est l’occasion qu’il me donne de remettre à un ou une artiste du monde du théâtre une récompense de vingt-cinq mille dollars. Voilà pour moi l’occasion rêvée de rendre hommage à une femme que je respecte infiniment en tant que metteure en scène et qui lance maintenant ses propres créations théâtrales. Il y a quelques années de cela, elle a collaboré avec moi à deux projets et j’ai tout de suite su qu’elle était une véritable metteure en scène : ses remarques étaient perspicaces, son intuition intense et sa créativité bouillonnante. L’année dernière, j’ai découvert Kismit, sa plus récente création collective, dont j’ai adoré la sensibilité et la mise en scène novatrice. Elle est fraîchement diplômée en mise en scène de l’École Nationale de Théâtre du Canada. Cela me donne l’immense plaisir de soutenir une autre metteure en scène impliquée dans le théâtre de création, une femme qui apporte sa propre vision à la scène : permettez-moi de vous présenter Anita Rochon.

2010 Protégée

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