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Anick La Bissonnière

Lauréate, 2015

Image : Nom, Titre, Description

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2015 Lauréate

Après des études en architecture en Suisse et à Montréal, Anick La Bissonnière a signé des près d’une centaine de créations scénographiques sur des grandes scènes internationales, canadiennes et montréalaises pour une multitude de formes de spectacles, y compris théâtre, opéra et cirque. Ses scénographies ont été produites dans le monde entier, sur des scènes aussi renommées que le Théâtre du Châtelet à Paris, le Festival d’Avignon, le Brooklyn Academy of Music à New York, et le Teatro Colon à Buenos Aires. Selon le jury, « La formation d’Anick La Bissonnière comme architecte confère une beauté sculpturale à ses décors. De proportions souvent épiques, ses créations sont à la fois visuellement frappantes et chargées d’émotion. Elle a collaboré avec des douzaines de metteurs en scène canadiens de prestige parmi lesquels André Brassard, Gilles Maheu, Matthew Jocelyn et sa fréquente collaboratrice, la lauréate du Prix Siminovitch, Brigitte Haentjens. »

Son travail lui a valu une prestigieuse reconnaissance à la Quadriennale internationale de scénographie de Prague en 2007 et le prix de la critique (ACMA award) en Argentine en 2015. Depuis 2010, Anick La Bissonnière dispense son savoir en design aux étudiants de l’Université du Québec à Montréal. Elle a également participé à la conception et la réalisation de plusieurs dizaines de salles de spectacles à travers le pays. Son triple parcours de scénographe, d’architecte et de pédagogue la place dans une position unique sur la scène théâtrale contemporaine, faisant d’elle une technicienne redoutable, une communicatrice douée, une chercheuse infatigable mais surtout une artiste complète, sensible et d’une intelligence créative remarquable.

Discours d’acceptation

J'adore les théâtres.

Ils ont une odeur particulière ; l'air est plus épais, le silence est plus profond.

Rien n’est plus enivrant pour moi que de m’asseoir dans un théâtre vide et de ressentir toutes les émotions, passées et futures, qui pourraient y vivre.

Les théâtres sont hantés, tout le monde le sait.

J'adore le théâtre et je l'ai toujours aimé.

Les origines de cet amour inconditionnel ne sont pas claires dans ma mémoire.

Je me souviens lointainement d'un après-midi, assis au Théâtre du Rideau Vert, en train d'assister à une représentation des Voyages de Gulliver. Je devais avoir environ cinq ans, pas plus.

Bien plus tard, me voilà en sortie scolaire à La Nouvelle compagnie théâtrale, pour voir une étonnante production de Britannicus dont je peux encore vous décrire les décors et les costumes.

Tout au long de mes années d’école, le théâtre a toujours fait partie de ma vie. En fait, je dois avouer qu'il y a certaines années pour lesquelles je n'ai quasiment aucun souvenir de mes cours ! Il était clair pour moi que je devais être dans un théâtre. J'ai joué, j'ai écrit, j'ai fait les décors, comme on le fait dans n'importe quelle troupe amateur, et j'ai continué à m'impliquer jusqu'à mon entrée à l'université.

Jusqu’à ce que je rencontre l’architecture.

Ce n’était pas un coup de foudre ; loin de là.

J'étais très jeune, à peine adulte, lorsque j'ai été admis à l'université.

J'avais choisi l'architecture parce que c'était un « vrai métier » et parce que j'avais été accepté dans un programme réputé très sélectif. L'architecture avait également l'avantage de combiner l'art et la science, l'histoire et la technologie. Bref, étudier l’architecture m’a semblé être une fabuleuse introduction au monde.

Mais l’argent n’a vraiment baissé qu’en troisième année.

J'ai passé cette année-là dans un programme d'échange universitaire à l'École polytechnique fédérale de Lausanne, en Suisse.

Et j’ai eu un véritable choc culturel.

Lorsque j'ai téléphoné à mon père pour lui dire que j'avais survécu à mon premier vol et à mon premier voyage en train, je lui ai déclaré franchement : « C'est exactement comme chez nous mais tout est différent. »

Je venais de découvrir ce qu'était la culture.

J'ai passé deux ans à étudier en Europe, à voyager et finalement à travailler à Paris au début des années 90, à une époque où l'architecture occidentale connaissait une transformation importante.

J'ai eu l'occasion de visiter des centaines de lieux et de bâtiments que je ne connaissais que théoriquement.

Et je me suis fait un ami pour la vie : Éric-Olivier Lacroix qui demeure à ce jour mon collaborateur le plus précieux et irremplaçable.

Je suis allé en Egypte visiter les temples dont les murs sont recouverts de hiéroglyphes : des murs qui parlent, ingénieusement éclairés par des ouvertures dans le plafond qui projettent la lumière selon des trajets précisément calculés.

Toucher les pierres qui composent ces constructions géantes, pour lesquelles on se demande encore « comment ont-elles pu être taillées avec une telle précision il y a tant de milliers d'années », constitue une expérience extraordinaire dont l'effet fut de me rendre à jamais humble devant le génie. de l'humanité.

Avec mes mains sur ces pierres, je sentais le passage du temps, l'effort qu'elles demandaient, et j'étais ému par la simple présence, muette et invisible, de ceux qui les avaient mises en place.

J'ai appris que les bâtiments, même s'ils sont petits et pas des moins spectaculaires, contiennent en eux toute l'énergie et la présence même de ceux qui les ont construits.

Il est difficile de décrire cette façon de voir le monde qui ne me quitte plus depuis.

À mon retour à Montréal, deux ans plus tard, je me promenais dans la rue Ste-Catherine et découvrais un environnement que je n'avais jamais vu.

Tout me paraissait différent, la largeur des rues, les immeubles, la lumière.

J’ai regardé la ville où je suis né avec un regard neuf.

Je suis retourné à l'Université de Montréal pour terminer ma dernière année avec un bagage bien différent de celui de mes camarades.

C'est alors que j'ai décidé de suivre l'atelier « Architecture Urbaine » fondé par Melvin Charney. À cette époque, Charney s’intéresse à la construction métaphorique des villes et son modèle pour l’ensemble de sa proposition est le théâtre.

S'inspirant de la célèbre phrase de Shakespeare « Le monde entier est une scène », dans son atelier, les ruelles de Montréal deviennent des scènes de la vie quotidienne, les façades sont des masques pour les défilés de rue et les balcons reflètent ceux des grands opéras.

J'ai eu l'extraordinaire chance de rencontrer l'un des assistants de Melvin à l'époque, Alan Knight, aujourd'hui professeur en architecture à l'Université de Montréal, et qui m'a fait entrer dans le monde de la créativité. Cet homme érudit, si patient et généreux, a supervisé mon travail tout au long de ma dernière année sans jamais inhiber mon imagination, tout en m'encourageant à représenter le monde tel que je le percevais.

Il a vu en moi quelque chose que je n'avais jamais soupçonné.

Il m'a accompagné dans la conception d'un projet de scénographie urbaine, une sorte de scénographie à ciel ouvert en briques et en acier, une démarche audacieuse dans une école d'architecture où l'on attend de voir des bâtiments à la destination clairement définie.

Or, non seulement mon projet ne proposait rien de tout cela, mais la majorité de mes planches étaient constituées de dessins réalisés à la main avec des crayons de couleur.

(Ce qui a poussé mon frère à dire que mon espace de travail ressemblait plus à une école maternelle qu'à une université !)

Ce que mon tuteur m'avait permis de faire n'était pas typique de l'époque : il m'avait encouragé à « vivre » l'espace que j'imaginais, à le concevoir à la hauteur des yeux d'un spectateur plutôt que de le rendre abstrait à travers les sections habituelles. et des plans. Ceci, combiné à mon expérience de voyage, a tracé la voie à tout ce que j’ai fait depuis.

Lors de la cérémonie de remise des diplômes, Alan a prédit que je reviendrais sur ce projet toute ma vie.

Et il avait raison.

Ce que j’ai appris sous sa direction bienveillante m’habite toujours.

Chaque jour que j'enseigne, il reste le professeur auquel je souhaiterais ressembler.

Je lui serai éternellement redevable.

Avant mes 25 ans, j'ai été admis à l'Ordre des architectes et inscrit au programme de formation de la célèbre compagnie de théâtre montréalaise Mime Omnibus. La formation d'Omnibus s'inspire de celle de l'acteur et professeur français Étienne Decroux, pour qui l'expression du corps dans l'espace est l'essence de son art. J'y ai découvert non seulement une technique qui aiguisait ma conscience du corps, mais surtout mon premier métier de designer.

Le directeur artistique de Mime Omnibus, Jean Asselin, qui connaissait mon métier, m'a demandé si je serais intéressé à concevoir une conception théâtrale, m'incitant à lire la pièce et à lui faire une proposition.

Je ne pouvais tout simplement pas croire à ma chance.

La pièce parlait d'une rencontre imaginaire entre Voltaire et Rousseau, que je mettais en scène dans un espace que je connaissais bien : la ville. Quel autre lieu qu'une ville pour cette rencontre entre Culture et Nature, dont ces deux philosophes étaient l'incarnation. Le salon bourgeois où se rencontraient les deux protagonistes était ainsi constitué d'immeubles miniatures, les étagères devenaient des triplex montréalais, le bureau de Voltaire, un stationnement en béton.

Jamais découragés par ma proposition un peu surprenante, Jean et toute l'équipe de l'Espace Go m'ont soutenu et encouragé. Ils m'ont permis de réaliser un projet qui me ressemblait sans jamais exiger de moi que je me conforme à la moindre convention.

Par la suite, Jean m'a fait appel à de nombreux autres projets, me permettant de constituer un portfolio qui m'a ouvert de nombreuses collaborations avec d'autres réalisateurs.

Pour sa générosité et surtout pour avoir accepté de se laisser « déstabiliser » par des propositions insolites, Jean Asselin mérite toute ma gratitude.

Il m'a fait découvrir la scénographie.

Durant les dix premières années de ma vie professionnelle, j'ai travaillé comme scénographe, j'ai commencé à enseigner et j'ai continué à travailler en freelance dans des cabinets d'architectes. Je faisais alors partie d’une équipe qui se consacrait uniquement à la conception d’espaces de spectacle vivant, une chance incroyable pour quelqu’un qui, en même temps, concevait des spectacles pour ces mêmes espaces.

J'ai participé à la conception d'une cinquantaine de théâtres de toutes tailles et de toutes formes, j'ai participé à des concours, j'ai fait des analyses, j'ai compris les besoins de chaque élément d'un théâtre et, en bref, j'ai appris à connaître ces bâtiments de haut en bas. bas.

Puis, en 1999, Brigitte Haentjens m'a appelé.

Brigitte, dont je connaissais le nom pour avoir vu son travail, m'a offert, pour notre première collaboration, la scène la plus prestigieuse de Montréal, le Théâtre du Nouveau Monde. Et notre relation n’a fait que se développer depuis. Même si je continue de travailler avec d'autres réalisateurs et sur des projets de toutes sortes, mon travail avec Brigitte reste un fil conducteur dans l'ensemble de mon activité. Elle m'a permis de grandir en tant qu'artiste, d'élargir ma réflexion au-delà du construit, mais surtout d'engager une conversation artistique sur une longue période.

Brigitte et moi sommes deux êtres très différents, mais nous sommes à la fois complémentaires et complices. J'admire son énergie, son intelligence et sa lucidité, ainsi que son intransigeance dans le processus créatif. Nous avons construit un univers qui s'agrandit à chaque projet que nous entreprenons.

J'ai été ravi de la voir recevoir le prix Siminovitch en 2007 car, pour moi, elle est sans aucun doute une grande artiste.

Une partie de l'honneur qui m'est accordé ce soir est en grande partie grâce à elle et j'aimerais penser que c'est une célébration non seulement de l'ensemble de mon œuvre mais aussi de la relation extraordinaire que j'entretiens avec elle.

Depuis 1993, j'ai conçu près d'une centaine d'espaces dans lesquels j'ai eu le privilège de voir jouer de formidables comédiens. J'ai été ému par leurs performances mais aussi par l'ambiance collégiale qui règne dans un projet théâtral. Sans la générosité sans limite des collaborateurs que j'ai eu le privilège de rencontrer (directeurs de production et techniques, éclairagistes, costumiers et accessoiristes, techniciens, menuisiers, peintres et bien d'autres), je ne serais pas devant vous aujourd'hui.

Rien de ce que j'imaginais ne se serait réalisé sans leurs efforts et je voudrais ici leur rendre hommage en partageant avec eux l'honneur qui m'est fait.

J'ai trouvé une expression poétique dans la scénographie, qui permet ainsi d'exposer ma propre sensibilité. J'aimerais penser que c'est cet aspect de mon travail qui a inspiré le jury. Je suis profondément touché par l'attribution du Prix Siminovitch, non seulement parce qu'il est unique, prestigieux et irremplaçable, mais aussi parce qu'il met en lumière une recherche artistique qui s'est développée au fil du temps. Il ne s'agit pas d'une reconnaissance destinée aux nouveaux arrivants, ni d'un honneur de fin de carrière. Il est accordé à quelqu'un qui est encore plongé dans ces questions fondamentales de son art mais qui a suffisamment d'expérience pour les approfondir. C'est une façon de reconnaître les réalisations accomplies jusqu'à présent, mais aussi un énorme encouragement à continuer.

Dans mon cas, cela n’aurait pas pu arriver à un meilleur moment.

Après quatre nominations en présélection, je me suis rendu compte que la quasi-totalité de mon travail des 23 dernières années avait été reconnue par le jury Siminovitch. C’était en soi, pensais-je, tout un accomplissement. En entendant Monsieur White me dire que j'étais le gagnant, je suis resté sans voix pendant un long moment. D’autant plus que les finalistes sont tous des artistes très accomplis.

Je suis vraiment honoré de partager cette liste avec Bretta, Trevor et Nancy, qui méritent notre admiration pour leur dévouement à leur art et leur talent exceptionnel.

C'est une joie pour moi de partager ce soir ma chance avec mon père (qui fête ce soir ses 75 ans), ma mère et mon frère, qui tous, à leur manière, ont toujours démontré leur confiance en moi et sans qui je pourrais Je ne commence pas à prétendre être la personne que je suis. Ta présence ici me va droit au cœur et tu es toujours avec moi. Je dois à mes amoureux le fait que mon nom ait été soumis « pour la dernière fois ! car, clairement, sans lui, je ne serais pas ici maintenant. Merci, Jeff, d'avoir toujours cru qu'un jour je pourrais être l'élu. Je tiens également à souligner la générosité de Jean-Marc Dalpé, Matthew Jocelyn, Frédéric Dubois, Paul Savoie, Véronique Borboën ainsi que Brigitte Haentjens, qui ont accepté de m'écrire des lettres de soutien. Vos belles paroles m'ont beaucoup ému.

Merci à la famille Siminovitch et surtout à Lou qui a eu la grâce de créer ce prix en l'honneur d'Elinore. J'y vois un geste d'admiration et d'amour et je suis ravie de bénéficier ce soir d'un si bel étalage de romantisme. Merci aux donateurs, aux membres du conseil d'administration et à RBC, qui contribuent à pérenniser ce patrimoine incomparable et à mettre l'art sous un tel jour. J'espère que nos dirigeants seront inspirés par votre générosité et votre amour pour les arts du spectacle. Je suis la preuve vivante que le contact avec les arts dès le plus jeune âge, avec les voyages, avec la rencontre des cultures et avec les études supérieures peut permettre à un individu timide, imparfait, parfois terrifié, de s'épanouir au sein de sa société.

Je travaille avec l'espace. Une chose intangible et indéchiffrable qui reste après la suppression des murs, selon un philosophe grec. C'est une matière invisible qui nous unit tous, à laquelle nul ne peut échapper. C'est l'élément qui fait de la représentation théâtrale une expérience rare car elle ne peut être vécue que dans un espace commun et partagé. Qu'elle soit construite ou virtuelle, la scénographie est l'art qui explore notre relation spatiale avec notre environnement. Au fil du temps et de nombreux projets, j'ai appris que mon véritable espace de création réside dans l'imaginaire du public et le corps des acteurs : c'est à la fois une construction spirituelle et un paysage pratique. Elle doit permettre d'entrer en résonance avec les actes, les émotions et les paroles qui les portent. En ce sens, le théâtre est pour moi un laboratoire architectural sans égal, auquel le monde d'aujourd'hui devrait s'intéresser davantage.

A la veille d'une élection importante, je me permets de rêver ce soir, que je me réveillerai demain dans un monde où l'art et le savoir occupent une place privilégiée. Un monde qui construit la liberté, la créativité, le désir et, pourquoi pas, tant qu'on y est, la poésie.

Ce qu'il y a de plus extraordinaire dans le fait de recevoir le prix Siminovitch, c'est de pouvoir annoncer une nouvelle incroyable à quelqu'un qui n'a rien demandé. Avoir la chance de célébrer publiquement un talent émergent et de l’encourager à persévérer est un privilège rare. Et ce d'autant plus que les conditions de production sont aujourd'hui de plus en plus difficiles pour les jeunes créateurs. J'ai sélectionné une jeune femme que j'ai rencontrée sur un projet où nous collaborions et en qui je me reconnais un peu dans sa passion pour la création. Elle se forme en design, puis fait un Master en arts visuels, ce qui se voit dans la façon dont elle aborde son travail. J'ai été frappé par son esprit vif, sa créativité et sa générosité. Inventive et ingénieuse dans le théâtre, la danse et le cirque, elle est une artiste dévouée et complète. Mesdames et messieurs, j'ai le grand plaisir de vous présenter Madame Marilène Bastien.

Protégé 2015

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