Gillian Gallow
Lauréate, 2021
Image : Nom, Titre, Description
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2021 Lauréate
Gillian Gallow a conçu des designs pour près de quatre-vingt dix productions à travers le Canada, de nouvelles pièces à l’opéra, dans de petits théâtres indépendants ainsi que sur les plus grandes scènes au pays. Notons plus particulièremenr des costumes pour la première mondiale de Hadrian à la Canadian Opera Company en 2018 et pour Louis Riel en 2017. Elle a conçu décors et costumes au Shaw Festival pendant cinq saisons et elle a travaillé à quatre productions au Stratford Festival. On a pu aussi voir son travail à Soulpepper, Canadian Stage, au Royal Manitoba Theatre Centre, au Citadel, à Theatre Calgary, et au Centre national des arts, entre autres. Gillian est diplômée de l’université York et elle a été mise en nomination pour huit Dora Mavor Moore awards, dont elle a remporté quatre. À l’échelle du Canada, les designs de Gillian ont été mis en nomination pour des Evie Awards, Betty Awards, Sterling Awards, et Capital Critics’ Awards. En 2018 elle a reçu les Prix Virginia and Myrtle Cooper pour la conception de costumes.
Discours d’acceptation
Le pouvoir de la conception de décors et de costumes existe dans le silence. Ils sont un paysage hanté, chargé sur scène; la peau d’un personnage dans laquelle un acteur est venu s’insinuer. Le design est la narration visuelle qui s’adresse à l’esprit rationnel et au cœur irrationnel du public. Le langage subliminal capable d’évoquer l’émotion intense, et même de remettre en question nos préjugés culturels. Autant le design doit être osé, fort et porteur de message, autant les designers doivent créer avec courage, curiosité et un point de vue.
Mais quels sont les éléments qui font un grand design, qui propulsent une carrière, qui enrichissent une pratique artistique? Tout comme le côté éphémère du théâtre, ces réponses peuvent sembler intangibles. Mais quand je regarde le chemin qui m’a amenée à ce moment, les réponses deviennent évidentes.
Quand j’étais une petite assistante de vingt-cinq ans à Stratford, j’ai mentionné à Miles Potter que je n’avais pas décroché de contrat à Toronto parce que, me disait-on, je n’avais pas assez d’expérience. Il m’a immédiatement confié la conception des costumes pour une production qu’il dirigeait sur la scène principale du Grand Theatre à London. Alors que je n’étais qu’une designer émergente, Peter Hinton a pris une chance, et m’a engagée pour faire les décors et les costumes pour une adaptation de King Lear dont il faisait la mise en scène au Centre national des arts. Ce que Miles et Peter voyaient, c’était mon potentiel, et ils m’ont donné une chance qui était bien au-delà de mon expérience. Pour une jeune designer ces votes de confiance ont été, personnellement et artistiquement, transformateurs. La générosité d’esprit peut changer la vie d’un jeune artiste.
Ces relations sont essentielles pour bâtir les fondements de la trajectoire artistique. Le théâtre se crée dans la collaboration – et la confiance sacrée que nous construisons ensemble amène à la découverte, l’expérimentation et le risque. Les menuisiers, les peintres, les accessoiristes, les tailleurs, les perruquiers et la myriade d’artistes spécialisés qui amènent les idées du designer à être réalité, sont les collaborateurs non célébrés et rarement reconnus sur lesquels les designers se fient. Mes designs ne seraient rien sans leur art et leur excellence.
Mais plus important, l’art est enrichi par l’amour de ceux qui nous entourent. Mon père, un banquier, n’a jamais questionné mon choix de devenir artiste. Il s’est peut-être inquiété de ma capacité à joindre les deux bouts, mais il n’a jamais douté de ma capacité de persévérance. Ma mère m’emmenait enfant au théâtre, elle cousait les costumes que je dessinais à l’école secondaire, elle a veillé avec moi jusqu’aux petites heures à coudre une robe en Tyvek pour un spectacle pour lequel je n’étais pas payée. Mon compagnon de vie et collaborateur essentiel, Christopher Morris, me soutient pendant mes longues heures de travail, et il subit mes élucubrations lorsque je tente de résoudre le casse-tête d’un nouveau design. Ma fille de sept ans, Eileen, qui est pleine d’étonnements et de questionnements, me ramène à la magie et à la joie de notre monde. L’amour est une bénédiction. Et c’est grâce à l’amour et au soutien que les artistes se font et que l’expression artistique s’approfondit.
Je suis honorée d’être la Lauréate du Prix Siminovitch. D’avoir la chance, à mi-carrière, de pouvoir faire le point et de réfléchir à ce qui est important pour moi est un cadeau qui change ma vie et dont la valeur va bien au-delà de ce qui est monnayable. Ce Prix est un investissement en théâtre canadien, un art qui est éphémère. Je promets d’être à la hauteur de cette récompense, de toujours poursuivre l’intangible, d’épouser la trajectoire d’une idée, d’innover.
Je suis fière de me tenir aux côtés des autres finalistes – Linda Brunelle, Nancy Bryant et Michelle Ramsay, des designers qui ne cessent de mettre à l’épreuve les limites de leur art, le design. Elles m’inspirent. Je suis une meilleure conceptrice grâce à elles. Et je suis bouche bée devant Peter Hinton, qui m’a si gracieusement mise en nomination pour ce prix. Merci, Peter, pour une décennie de collaboration. Vous avez ouvert les horizons de ma pratique et conforté ma foi dans le pouvoir de transformation du théâtre dans la société.
J’ai eu l’honneur de choisir deux Protégés qui personnifient l’esprit de ce prix. Joshua Quinlan et Joyce Padua sont des concepteurs qui manifestent un potentiel incroyable. Les décors de Joshua sont vigoureux et élégants. Les costumes de Joyce sont aventureux et artistiques. Mais, par-dessus tout, leur ouverture, leur curiosité et leur esprit de collaboration en font les phares de demain dans notre industrie. À tous les metteurs en scène, directeurs artistiques, parrains et philanthropes : continuez de soutenir les designers émergents, ils en valent la peine.
J’aime et je suis également renversée par l’intensité de notre obsession à créer du théâtre, heure après heure, jour après jour alors que nous savons pertinemment que le fruit de notre labeur est voué à la disparition. L’absence de théâtre que nous venons de vivre m’a fait réaliser à quel point je chéris cette camaraderie. Je regarde en avant et je vois de la lumière, dans les collaborations à venir, les publics qui nous reviennent. Être designer en ce moment, où le monde se réveille, est un cadeau.
Merci pour cet honneur. Il n’a pas de prix pour moi.
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