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Conor Wylie

Protégée, 2021

Image : Nom, Titre, Description

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Metteur en scène, artiste, créateur et auteur, ce dernier fait aussi partie, avec Nancy Tam et Daniel O’Shea, du collectif A Wake of Vultures, dédié à la création interdisciplinaire. Actuellement artiste en résidence au Theatre Replacement, Wylie a récemment co-créé MINE, spectacle portant sur les relations mère-fils faisant appel en direct au jeu vidéo à construction libre Minecraft. Il a aussi œuvré à un opéra pour espace multimédia intitulé Visitors from Far Away to the State Machine et à un discours programmatique de motivation aux accents satiriques (eatingthegame), tous deux créés pour la compagnie d’arts interdisciplinaires Hong Kong Exile. Diplômé de l’École des arts contemporains de l’Université Simon Fraser et lauréat du prix du maire de la ville de Vancouver accordé à un artiste émergent en théâtre, Wylie se consacre actuellement à deux projets, GIRL RIDES BIKE, une course-poursuite à moto à travers une société où règne l’abondance, écrite à plusieurs mains et touchant à la science-fiction; et K BODY AND MIND, une prestation théâtrale minimaliste et éclatée qui cherche à séparer la dimension auditive de la dimension visuelle dans l’expérience théâtrale, créant ainsi un casse-tête pour le public, un peu comme le serait une pièce radiophonique se superposant à un film muet.

Discours d’acceptation

Merci beaucoup. Merci James et Maiko. Merci aussi à Elinore et Lou Siminovitch, et à toute l’équipe du Prix Siminovitch. Dans un métier où on ne nage pas toujours dans l’abondance, un tel débordement d’amour et de générosité est à la fois rare et précieux. Merci beaucoup.

C’est un honneur pour moi d’être ici aujourd’hui.

Souvent, je me sens accablé par le monde d’aujourd’hui. Nous semblons vivre à une époque très dangereuse, n’est-ce pas? Je suis anxieux de nature. Devant tant de terrifiantes possibilités d’avenir, mon réflexe est de fuir et de me cacher.

Dernièrement, je me suis trouvé un outil pour m’aider : quand j’ai une décision à prendre et que j’hésite, je demande à mon moi passé et à mon moi futur de m’aider.

Mon moi passé me conseille d’être reconnaissant, et je le suis. Merci à ma famille pour son amour et son soutien. Merci à ma mère, Mo, qui assiste à tous mes spectacles, au moins deux ou trois fois, à chaque arrêt de nos tournées. Merci à ma sœur Aleia, à Leo. À mon père, Mike.

Merci à mes professeurs de Simon Fraser et aux autres, qui m’ont donné très tôt le goût de la collaboration. Qui enseignent que les frontières entre la mise en scène, la dramaturgie, la scénographie et l’interprétation gagnent à être laissées ouvertes.

Merci aussi à tous les artistes qui ont croisé mon chemin et qui m’ont influencé, A Wake of Vultures, OOOO et les compagnies du Progress Lab, ainsi que tous mes amis à The Greenhouse, nos nouveaux bureaux.

Merci à Jasmine. Personne d’autre ne me connaît autant, dans toutes mes nuances et tous mes rêves.

Pour des raisons que je ne comprends pas totalement, une grande partie de mon travail actuel porte sur l’avenir. Seul ou avec d’autres, j’écris continuellement sur l’utopie. Sur des formes désirables d’avenir. Peut-être parce que c’est si difficile à imaginer en ce moment.

Je me souviens d’un cours d’anglais au secondaire, où la notion d’utopie était jugée dérisoire. Les auteurs sérieux écrivaient sur la dystopie. L’utopie était puérile. Un idéal impossible, disaient-ils, car le monde n’est pas homogène, et la coexistence de désirs contraires entraînera nécessairement des déceptions, et l’écroulement du monde parfait.

Or, les sociétés futures qui continuent de peupler mon — notre — travail ne sont ni parfaites ni monolithiques. Je les vois plus comme un réseau de petits cercles à la surface de la Terre. Chaque cercle héberge un groupe, une société distincte. Chaque cercle est hétérogène et accueille des gens aux valeurs, aux croyances et aux désirs très différents. Notre utopie est en fait un réseau de micro-utopies qui savent qu’elles doivent toutes, jusqu’à un certain point, collaborer entre elles.

Pour moi, James et Maiko sont au centre d’une utopie. Cette utopie englobe nos bureaux communs à The Greenhouse, dans le quartier de Vancouver-Est; le milieu des arts de la scène de Vancouver, du Canada et du reste du monde; East Van Panto, leurs chansons pop, leurs perruques rigolotes, leur socialisme assumé et les milliers de résidents de Vancouver-Est qu’ils réunissent chaque année. C’est déjà une utopie de taille moyenne!

Pas au sens classique du terme, bien sûr, mais les classiques ne m’intéressent pas. Cette utopie est portée par des milliers de personnes : des employés, des bénévoles, des collaborateurs, des organismes. À une intersection, un des centres d’où jaillit toute cette force, se tiennent Maiko et James, qui, forts de tous leurs points communs et leurs différences, sont convaincus qu’ils pourront en faire plus s’ils travaillent ensemble. Cette relation entre deux personnes est sans doute la plus fondamentale des utopies, et une des formes les plus puissantes.

Il y a quelques années, en Islande, James et Maiko se sont mis à me présenter comme si j’étais leur fils. Nous avons joué le jeu ensemble pendant quelques semaines, semant la confusion sur notre passage. Nous nous appelons encore maman, papa et fiston dans nos textos.

La blague a un fond de vérité. Depuis dix ans, mes parents d’adoption m’ont soutenu à travers les angoisses et le mal de vivre, le triomphe et le deuil. Mon père est décédé il y a sept ans, et depuis qu’il n’est plus là, les conseils et la présence de Jamie sont particulièrement importants pour moi. Ma mère biologique, ma vraie maman, sillonne la planète pour me voir en spectacle avec ma mère d’adoption, et les deux s’envoient des courriels entre elles, j’en suis ravi.

Ces moments de rencontre entre mon passé et mon présent — comme au service commémoratif de mon père, où mes amis ont pu faire connaissance avec ma famille déjantée et mieux comprendre d’où je viens, et où ma famille, à son tour, a pu rencontrer mes amis excentriques et mieux comprendre l’adulte que je suis auprès de mes pairs — ces moments où le passé et le présent entrent en communion, me rassurent et m’apaisent.

En terminant, j’aimerais lancer une invitation à l’avenir. Il ne semble pas très reluisant en ce moment, n’est-ce pas? En ce moment, mon moi futur a plutôt envie de fuir et de se cacher.

Mais voici tout de même ma promesse :

Devant la peur, au lieu de fermer la porte, je l’ouvrirai. Au lieu de fuir et de me cacher, je choisirai la solidarité. Devant la rareté, je choisirai le partage. Devant l’incertitude, je choisirai la confiance. S’il faut lutter, nous lutterons ensemble, puis nous guérirons ensemble. Je m’efforcerai de tisser aujourd’hui des liens et des relations qui valent la peine d’être interrogés, remis en question, brisés puis réparés et reconstruits demain. De la part de mon moi passé et de mon moi présent (ce qui comprend ma famille, mes amis, mes mentors) je dis à l’avenir : souviens-toi que l’union fait la force.

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