Emerging Perspectives: Hina Nishioka

Actors perform in a neon-lit nightclub-inspired set during Measure for Measure at Bard on the Beach Studio Theatre (2024), featuring performers in eclectic costumes with a live DJ and surreal props. Photo by Tim Matheson.

Profil de Hina Nishioka

écrit par Vanessa Porteous

28 May 2025

L’océan Pacifique est bien loin pour Hina Nishioka.

Aspirante danseuse de ballet au Japon, étudiante à l’Université de Victoria où une blessure au genou l’oriente vers le théâtre, membre de l’équipage d’un navire de croisière où elle découvre les projecteurs mobiles pour la première fois — et aujourd’hui, professionnelle de l’éclairage vivant à Vancouver — Hina Nishioka a toujours trouvé paix et joie près de l’océan. Mais cet été, c’est sur les rives du lac Ontario qu’elle pose ses valises, en tant qu’assistante conceptrice d’éclairage au prestigieux Festival Shaw. Pas une baleine en vue.

Cela dit, c’est une belle occasion — absorber les enseignements de concepteurs lumière renommés comme Bonnie Beecher et Kevin Lamotte. Apprendre, par exemple, à dialoguer avec les metteurs en scène, ou à “faire confiance au processus et avancer. Le détail viendra”, comme le dit Nishioka en citant Lamotte avec admiration.

Nishioka pense beaucoup à la lumière. À son arrivée au Canada, elle se souvient avoir tâtonné dans les intérieurs, cherchant plus de clarté. “Au Japon,” dit-elle, “on a des plafonniers dans toutes les pièces.” Son intérêt englobe les concerts rock, la danse, le cinéma, les événements commerciaux, ainsi que le théâtre. “La conception lumière, c’est presque comme être DJ pour la musique,” s’émerveille-t-elle, en repensant à son stage auprès de la conceptrice Gigi Pedron, qui tourne avec Queens of the Stone Age. “Ça transforme la musique, c’est certain.”

La conception lumière peut sembler mystérieuse, même pour les initiés du théâtre, qui aperçoivent parfois le ou la conceptrice pour la première fois lors d’une répétition générale, griffonnant des schémas ésotériques sur une tablette. Après avoir accroché — parfois — des centaines de projecteurs avec l’équipe technique, le véritable travail artistique commence. Le ou la conceptrice travaille souvent tard dans la nuit, sélectionnant les instruments nécessaires à chaque top, réglant l’intensité et les fondus, mélangeant les couleurs sur une palette numérique, et programmant des mouvements complexes en direct. C’est un processus à la fois hautement technique et soumis à une forte pression temporelle — mais aussi instinctif et spontané, une manière de peindre l’histoire du spectacle avec la lumière.

La lumière soutient le récit de multiples façons, explique Nishioka. Elle peut être réaliste, nous faisant passer d’une pièce baignée de soleil à une clairière éclairée par la lune. Ou bien elle peut plonger dans la métaphore, utilisant la couleur saturée, le rythme et le contraste pour élever un moment au-delà du temps présent. Dernièrement, Nishioka explore la théorie des couleurs, en particulier l’effet émotionnel des teintes. Elle étudie l’aquarelle pour ses infinies variations de nuances, de tons et de valeurs, et observe aussi comment la lumière est utilisée de façon compositionnelle dans les tableaux figuratifs. Une lumière vive peut mettre en valeur un personnage central, a-t-elle remarqué, mais quelqu’un à l’arrière-plan peut aussi être subtilement éclairé. “Et je ne veux pas perdre ce personnage en arrière-plan,” dit-elle, “car il pourrait devenir important dans une scène suivante. J’essaie d’éclairer tout le monde !” Elle rit. “Mais de façons différentes…”

Ce que Nishioka préfère dans le travail théâtral, ce sont les conversations, “voir les répétitions et écouter en cachette.” Peut-être en raison de son passé en danse, le rythme est crucial pour elle. Rien n’est plus satisfaisant qu’un top qui se termine exactement sur le mot visé.

En tant qu’artiste en début de carrière, Nishioka connaît bien l’incertitude financière. L’année de sa diplomation, la pandémie a mis fin aux spectacles en direct pendant deux saisons. Elle s’est tournée vers le cinéma et la télévision, et continue de travailler comme programmeuse dans les médias, la musique live, et plus récemment les événements corporatifs, pour compenser les faibles revenus du théâtre. Travailler à la fois comme programmeuse et conceptrice à travers autant de médiums lui donne une perspective unique — et un avantage. “J’ai plus de connaissances technologiques pour aider les concepteurs, et moi-même,” explique-t-elle, “à atteindre ce que je veux faire en conception lumière, avec des séquences complexes.”

Nishioka rêve un jour d’éclairer un ballet classique. Après tout, c’est par là qu’elle a commencé — et maintenant qu’elle a développé un regard de conceptrice et une sensibilité à la narration, nourrie par toutes ces conversations théâtrales — “j’adorerais essayer,” dit-elle. Swan Lake or something.”

Pour l’instant, elle puise son inspiration dans des endroits inattendus. Elle aime regarder des animés, en particulier les œuvres du grand Hayao Miyazaki. “Il accorde une telle attention à la provenance de la lumière,” s’émerveille-t-elle, “il crée de magnifiques ombres (…) qu’il utilise pour exprimer l’émotion. On peut le voir sur le visage des personnages quand l’émotion change.” En contraste, elle cite la série animée... [Princess] Mononoke, “à l’opposé complet de mon esthétique,” dit-elle, mais néanmoins stimulante dans son chaos coloré et organisé.

Mais c’est dans la nature que Nishioka semble puiser le plus d’inspiration. “Une chose qui est complètement différente au Japon, c’est la lune,” dit-elle. “Elle est plus blanche au Canada. Au Japon, on pense toujours à la lune comme étant jaune.”

Une chose est certaine : peu importe d’où elle vient, et où elle ira ensuite, Hina Nishioka regarde le monde entier les yeux grands ouverts — à la lumière.

Hina Nishioka est l’une des lauréates 2024 de la toute première Bourse pour artistes émergent·es de la Fondation du Prix Siminovitch.

Vanessa Porteous est artiste de théâtre, réalisatrice et autrice basée à Calgary. De 2018 à 2021, elle a été présidente du jury du Prix Siminovitch.

Photographie : Measure for Measure au Bard on the Beach Studio Theatre (2024), photo de Tim Matheson ; mise en scène de Jivesh Parasram ; scénographie de Ryan Cormack ; costumes d’Alaia Hamar ; éclairages de Hina Nishioka ; interprètes : Scott Bellis, Leslie dos Remedios et Craig Erickson.