Medina Hahn

Medina Hahn

Protégée, 2008

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Medina Hahn est comédienne, chanteuse, auteure et co-productrice de DualMinds. Elle détient un B.F.A. en théâtre de l’Université de Victoria, et un B.F.A. en interprétation de l’université d’Alberta. Elle est montée sur la scène pour la première fois à trois ans, et elle est devenue Solid Gold Dancer. Elle est venue à l’écriture et à la creation après avoir passé des années à interpréter des pièces canadiennes, et elle tenait un journal depuis l’âge de neuf ans. Nomade dans l’âme, Medina voyage quand elle ne travaille pas avec d’autres companies.

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Daniel MacIvor

Daniel MacIvor

Lauréat, 2008

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2008 Lauréat

Selon le jury, « le théâtre de Daniel MacIvor, protéiforme et en constante évolution, se situe sur cette fine ligne entre la présentation et la représentation. Son écriture dramatique donne à voir sur scène des instants de vie pour lesquels les mots manquent, en explorant ce qui échappe aux catégories du langage. Habité par la question de l’exclusion, MacIvor donne voix, à travers ses pièces, à celles et ceux pour qui la solitude permet une perception du monde sous un autre angle. »

Daniel MacIvor est né au Cap-Breton, en Nouvelle-Écosse, et a écrit près de 20 productions en 20 ans, avec 15 publications à son actif. Ses pièces comprennent See Bob Run, Wild Abandon, The Soldier Dreams, You Are Here, How It Works, His Greatness et A Beautiful View, Avec son collaborateur de longue date Daniel Brooks, he a créé les spectacles solo House, Here Lies Henry, Monster et Cul-de-sac. Sa pièce Marion Bridge a été présentée en première Off-Broadway à New York en octobre 2005, et sa pièce Never Swim Alone a remporté le prix d’excellence générale au New York Fringe en 1998. En 2002, he a reçu un prix GLAAD ainsi qu’un Obie Award du Village Voice pour sa pièce In On It (PS 122). Mr. MacIvor a également remporté deux prix Chalmers pour la création dramatique, et son recueil de cinq pièces intitulé I Still Love You a reçu le Prix du Gouverneur général pour le théâtre en 2006. Mr. MacIvor est aussi scénariste et cinéaste (House, Wilby Wonderful, Marion Bridge, Past Perfect, Whole New Thing), et de 1987 à 2007, he a été directeur artistique de la compagnie de théâtre internationale en tournée da da kamera.

Discours d’acceptation

Quand on m’a demandé de vous adresser la parole ce soir, on m’a invité à parler de l’effet transformateur qu’a eu le Prix Siminovitch dans ma vie, et de l’importance capitale de ce Prix dans notre pays, en ce moment précis. On m’a aussi demandé de souligner à quel point il est crucial d’assurer sa pérennité. On a même suggéré que je mentionne le fait que nous avons failli perdre ce Prix — et à quel point cela aurait été désastreux. Et puis, on m’a glissé que, si je pouvais être drôle, ce ne serait pas de refus.

Alors, en réfléchissant à quel point ce Prix a été véritablement transformateur pour moi – en me permettant d’être mentor – et en pensant à son importance à l’échelle nationale, en rassemblant les praticien·ne·s du théâtre, les allié·e·s et les mécènes, et en considérant à quel point il est crucial que le théâtre conserve une place à la table médiatique de la pertinence culturelle, et à quel point ce Prix a joué un rôle essentiel à cet égard – en pensant à tout cela, un mot m’est resté en tête. Prix.

Et je me suis mis à réfléchir à la différence entre un Prix et une Distinction. Entre deux méditations (et quelques recherches sur Google), j’ai trouvé une distinction toute simple, relevée par plusieurs autres personnes qui méditent et googlent sur ce genre de notions : une distinction est remise pour une œuvre, tandis qu’un prix est remis à une personne. Et c’est certainement vrai pour le Prix Siminovitch. Il ne récompense pas une pièce, une production ou même une idée — il est remis à une personne. Pour une personne. Dans le cas d’une distinction, comme un prix Dora, un prix Sterling ou un Prix du Gouverneur général — ce qu’on pourrait recevoir pour une pièce : pour l’avoir écrite, mise en scène ou conçue — il y a toujours ce petit doute, cette suspicion tenace, au moment de recevoir ce prix, qu’on a peut-être simplement eu de la chance. Que c’était peut-être la bonne équipe, le bon sujet, le bon moment culturel. Peut-être que j’ai juste eu de la chance.

Lorsque j’ai reçu le Prix Siminovitch en 2008, je ne me suis pas senti chanceux. Je n’ai pas eu l’impression que c’était “ce bon spectacle-là” avec “la bonne équipe” au “bon moment culturel”. C’était autre chose. Je me suis senti honoré. Et je me suis rendu compte que c’était un sentiment que j’avais rarement ressenti jusque-là. Cela me peine un peu de le dire, mais nous vivons dans un pays qui n’honore pas ses artistes. Et cela crée en nous un doute persistant : celui que, peut-être, notre travail n’est pas perçu comme important par nos concitoyen·ne·s. Pourtant, je le sais, dans mes tripes : ce travail est essentiel. Il est au service de la culture de ce pays. Il est au service de l’esprit humain. Mais quand tous les messages qu’on reçoit vont à l’encontre de cette conviction, il est humain de remettre en question sa place dans son propre pays. Être honoré, c’est se faire dire que ce qu’on fait compte. C’est une reconnaissance, une confirmation. Que notre travail a du poids. Et c’est une autre raison pour laquelle Colleen, ou Hannah, ou Michel Marc, ou Olivier ne devraient pas se sentir “chanceux” ce soir. Parce que cet honneur est fondé sur leur travail. Il est mérité. La chance, ça ne se mérite pas. Ce Prix, si. Et peut-être que ce sentiment d’avoir mérité quelque chose a à voir avec l’argent — ou peut-être, encore plus, avec le fait de pouvoir en donner. Nous avons mérité cet honneur par une vie consacrée au travail. Et ça, au moins, c’est une chose que l’on valorise dans ce pays : le travail bien fait. Et faire du théâtre, c’est énormément de travail. Alors ce soir, je ne dirai pas aux personnes en nomination “bonne chance”. Je leur dirai : félicitations pour cet honneur extraordinaire, important, nécessaire, crucial. Mérité. Amplement.

2008 Protégé

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Daniel Arnold

Daniel Arnold

Protégé, 2008

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Daniel Arnold est un acteur canadien primé qui écrit aussi pour le théâtre et le cinéma. Récemment, il a interprété le rôle de Holloman dans Lawrence & Holloman, un film qu’il a co-signé avec le cinéaste Matthew Kowalchuk, et basé sur la pièce de Morris Panych. Daniel a également figuré dans la production Off-Broadway très prisée de Any Night, qu’il a co-signée avec Medina Hahn, et qui a été publiée par Playwrights Canada Press. Le texte a remporté le prix de la meilleure nouvelle pièce au festival Summerworks de Toronto, cinq prix dans Now Magazine, y compris meilleure performance et il a été déclaré meilleure production de l’année à Toronto et Vancouver.

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Ronnie Burkett

Ronnie Burkett

Lauréat, 2009

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2009 Lauréat

Ronnie Burkett est tombé amoureux de la marionnette à l’âge de sept ans… en ouvrant une encyclopédie à ce mot. Dès l’âge de 14 ans, il part en tournée avec ses spectacles de marionnettes en Alberta – et n’a jamais cessé de parcourir les routes depuis! Considéré à juste titre comme l’un des artistes de théâtre les plus éminents du Canada, Ronnie Burkett a créé certains des spectacles de marionnettes les plus complexes et les plus audacieux du monde. Son travail séduit des publics adultes d’une ampleur sans précédent pour la marionnette. Sur les grandes scènes canadiennes comme dans les festivals internationaux de théâtre, tous ses spectacles reçoivent un accueil dithyrambique, critique autant que public. Ronnie Burkett est également pédagogue : il a enseigné l’art de la marionnette dans des universités et collèges du Canada, du Royaume-Uni et de l’Australie, et donné des cours de maître, des ateliers ainsi que des conférences dans de nombreux festivals et colloques. Après 10 Days on Earth, Provenance et la trilogie Memory Dress (Tinka’s New Dress, Street of Blood et Happy), aujourd’hui retirés de l’affiche, il présente actuellement Billy Twinkle, Requiem For a Golden Boy. Quand il n’est pas en tournée, Ronnie Burkett travaille sur ses deux prochaines productions dans son studio de Toronto, entouré de plus de 1 200 livres sur la marionnette, de Plasticine et d’outils de menuiserie et d’ébénisterie…

Discours d’acceptation

Merci Dr Siminovitch. Merci aux fondateurs du Prix Siminovitch de théâtre et à BMO Groupe financier de parrainer le Prix et cette soirée, à Mary Adachi de m’avoir sélectionné et au jury pour son immense acte de foi.

Je suis ravi d’être enfin invité à l’un de ces cocktails de l’élite où, selon notre premier ministre, les artistes se pressent. Personnellement, je n’en connais pas beaucoup qui meurent d’envie de revêtir un complet. Mais je ne côtoie peut-être pas les bonnes personnes. Et je ne me considère pas non plus comme un artiste… du moins pas encore. J’espère qu’avant de rendre mon dernier souffle, ce mot s’échappera de mes lèvres, riche de sens. Pour moi, un artiste est une personne qui crée une œuvre qui ne se discute pas, mais qui se ressent. Il me semble que je suis encore loin du compte. Cependant, le Prix Siminovitch de thé âtre me laisse croire que je suis peut-être sur la bonne voie. C’est pourquoi je tiens à vous remercier tous de votre vote de confiance.

Se trouver en milieu d’une carrière, d’une vie, d’une expérience, d’un processus de compréhension, de l’exercice de son métier, est passionnant. Dans un monde avide de jeunesse et de nouveauté, je me sens invisible depuis quelques années. Trop vieux pour être la dernière attraction à la mode et trop jeune pour être un vieux maître vénéré. En fait, c’est une place de choix. Je suis assez satisfait de pouvoir simplement créer de nouvelles œuvres sans avoir à me soucier d’ecirc;tre l’enfant terrible de la presse qui passe son temps à mettre son personnage de l’avant. Si on a la chance d’arriver à mi-carrière, cela suppose que les ficelles de la technique sont maîtrisées, et que la deuxième partie du chemin sera consacrée à l’exploration d’idées et de différents contenus. C’est là ma passion, suspendu que je suis au milieu de tout cela. Je suis le plus surpris de tous d’avoir été sélectionné pour recevoir ce magnifique honneur. Mais grâce à Dieu et aux fondateurs, il y a un prix qui récompense ceux et celles qui sont tout simplement à mi-parcours. Et croyez-moi, le meilleur reste à venir; ce mitan n’est en vérité que le début.

Mon principal mentor dans le domaine des spectacles de marionnettes, Martin Stevens, a dit que l’art était notre contribution personnelle à la grande conversation sur la vie. Maintenant que je suis arrivé à mi-chemin dans ma carrière, le Prix Siminovitch me permettra de poursuivre cette discussion d’une façon significative.

Je crois que le jury a fait un choix qui ne manque pas d’audace. Un choix historique dont il n’est peut-être même pas conscient. Je suis tout à la fois concepteur, auteur, acteur, producteur, technicien ambulant, patron, collaborateur, agent de publicité, fabricant de moules et sculpteur sur bois, mais avant tout, je suis marionnettiste. Et il n’y a aucune catégorie dans les cycles de trois ans du Prix Siminovitch pour les gens de mon espèce. Et pourtant, je suis là devant vous. Je tiens à en remercier le jury, non seulement à titre personnel, mais également pour le message qu’il envoie ainsi à mon petit groupe un peu étrange dans le monde des arts, à savoir que le spectacle de marionnettes est effectivement un art à part entière qui doit être reconnu sur la scène théâtrale. La situation était bien différente quand j’ai commencé. C’est pourquoi j’espère que ce Prix encouragera les jeunes à créer des marionnettes dans le sous-sol de leurs parents et à oser rêver grand.

Je tiens à remercier personnellement les fondateurs d’avoir créé ce Prix en l’honneur des Siminovitch. Je sais ce que signifie vouloir garder en vie un esprit qui nous est cher et se rappeler une personne importante. La dernière fois que j’ai pris la parole en public, c’était il y a à peine une semaine, pour l’éloge funèbre de ma mère au service commémoratif qui a eu lieu en Alberta. J’ai appris que je venais de recevoir ce Prix le jour même où ma mère est décédée. Ma mère, et mon père qui nous a quittés l’an passé, auraient adoré cette marque de reconnaissance. J’aurais souhaité qu’ils puissent voir un groupe de banquiers organiser une fête en mon honneur. Mes parents étaient les gens les plus loyaux, les plus spectaculaires, les plus drôles et les plus simples que j’aie jamais connus. Leur soutien et leur fierté pour mes entreprises étaient infinis. Certes pas inconditionnels, mais infinis. Dans un monde qui nivelle par le bas, j’apprécie plus que jamais leurs exigences. Quand j’étais encore adolescent, mon père m’a dit : « Comment se fait-il que n’importe quel abruti dans cette pièce puisse affirmer être un artiste sans que personne remette cette affirmation en question? Si on prétend être un artiste, il faut le prouver. Et si cette affirmation est nécessaire, c’est la preuve en soi qu’elle n’est probablement pas vraie. » Voici donc en un mot résumé ce qu’était mon père… et la province de l’Alberta.

Quelles étaient les chances pour un gamin des Prairies de devenir marionnettiste et de faire une carrière internationale en théâtre? En fait, elles étaient assez bonnes. Quand j’ai commencé à me faire connaître, je veux dire quand j’étais jeune et motivé, il y avait une multitude de petites subventions dans le domaine artistique.

Ainsi, à 14 ans, j’ai obtenu 1 000 $ d’Alberta Culture pour aller au Puppeteers of America Festival, à Lansing, au Michigan. La douce folie de mes parents qui m’ont mis dans l’avion et m’ont autorisé à traverser la frontière tout seul pour frayer avec une bande de vieux fous qui faisaient danser des marionnettes est une chose. Mais mieux encore, l’Alberta a dit : Vas-y. Écoute. Apprends. Et reviens riche de nouvelles expériences. C’est ce que j’ai fait. J’ai rencontré les maîtres dans l’art du spectacle de marionnettes à ce festival et ils m’ont pris sous leur aile. Et à ma façon, je les ai ramenés avec moi.

À 18 ans, j’ai quitté l’université et avec une autre petite subvention d’Alberta Culture, j’ai participé à un congrès et à un festival internationaux de marionnettistes à Moscou. Ce que j’ai vu dans les théâtres moscovites reste inscrit dans ma mémoire et a changé à tout jamais ma vision de la vie, de la conception des marionnettes et du spectacle. À ma façon, j’ai aussi rapporté ces rencontres dans mes valises. D’une autre façon, je les ai présentées au monde, dans de multiples tournées, avec une saveur toute canadienne.

Plusieurs années plus tard, quand cette idée folle de faire du théâtre de marionnettes pour adultes m’a traversé l’esprit, le Conseil des arts du Canada avait une petite subvention intitulée Explorations qui m’a permis de me lancer dans ce projet. Le Theatre of Marionettes sillonne les routes depuis 23 ans maintenant grâce à ce premier investissement de mon pays dans une petite entreprise artistique.

Quelles étaient les chances pour un gamin des Prairies, passionné de marionnettes de faire une carrière internationale en théâtre? Elles étaient bonnes. Tout simplement parce que j’étais né au Canada et que, non seulement j’appartenais à une génération qui était alors capable de courir le monde pour y faire l’expérience de mon langage artistique et de rapporter de riches expériences dans ses bagages, mais également parce que dans le Canada où j’ai grandi et où j’ai été formé, il y avait des troupes de théâtre et de danse, et des groupes de musique qui partaient constamment en tournée aux quatre coins du pays.

J’ai vu la pièce Ten Lost Years et je me suis rendu compte pour la première fois que nous étions intéressants sur scène. J’ai vu la Canadian Opera Company présenter La Bohème. J’ai vu Danny Grossman jouer dans Higher. J’ai vu tout cela et bien plus encore à Medecine Hat, en Alberta.

Je suis d’accord avec notre premier ministre. Le milieu artistique au Canada est élitiste. Contrairement au Canada de ma jeunesse, à moins de vivre dans une grande ville et d’avoir un revenu disponible très élevé, il est impossible de voir un ballet, d’assister à un opéra, à une pièce de théâtre ou à la représentation d’un orchestre symphonique. Alors que d’autres pays savent que le meilleur moyen de mettre en valeur son caractère distinctif et son éclat sur la scène internationale consiste à exporter sa culture, notre gouvernement a purement et simplement supprimé les programmes d’exportation de la culture. Notre voix audacieuse, unique et issue du nouveau continent s’est tue sur les scènes du monde. Alors, même si les enfants d’Abbottsford, de Wawa, d’Antigosh et de Medicine Hat réussissent à attirer l’attention internationale, le Canada dit Non. C’est pourquoi, au cours d’une année de mort et de destruction, une année où j’ai très sérieusement envisagé la possibilité que ma petite troupe ambulante mette la clé sous la porte et où j’ai entendu mon pays dire Non, non et non, j’aimerais sincèrement remercier le Prix Siminovitch de théâtre, qui, lui, dit Oui haut et fort.

D’ailleurs, ce n’est pas la seule voix que j’ai entendue s’élever récemment. L’autre jour, j’étais au Starbucks de Roncesvalles quand une femme est entrée, s’est assise et a commencé à parler toute seule, à parler aux clients, aux fantômes, à Dieu, à tout le monde et à n’importe qui. Elle ressemblait, à défaut d’une description plus exacte, à une marionnette de Burkett en puissance. Édentée, très vieille et revêtue de ce mystérieux drapé de peau qui apparaît quand les lèvres, le menton et le cou ne font plus qu’un. Cheveux blancs et coupe brutale, trop nombreux sacs d’épicerie… elle demandait à différentes jeunes femmes qui se trouvaient au Starbucks si celles-ci travaillaient dans la maison où cette femme vivait. J’ai tenté de l’ignorer, mais mon désir pervers de créateur de marionnettes d’étudier son visage, ses chevilles, ses bas et le contenu de ses sacs m’a poussé à la dévisager. Et elle ne m’a plus lâché.

Elle m’a fixé et s’est mise à hurler : « Tu n’avais pas besoin de chirurgie! » J’ai de nouveau tenté de l’ignorer, concentrant toute mon attention sur mon latte vanille hypocalorique. La femme s’est remise à hurler : « Tu n’avais pas besoin de chirurgie! » C’était incroyable. Qui était-elle? Une sorcière? Une voyante? Une folle? « Tu n’avais pas besoin de chirurgie! » Qui lui avait dit? Comment pouvait-elle savoir que j’avais l’intention d’investir l’argent du Prix Siminovitch dans de si nombreuses interventions de chirurgie esthétique que, d’ici avril prochain, j’aurais la peau du visage aussi tendue que celle d’un tambour. Ah… les potins dans le monde du théâtre!

Je me suis sauvé et ai trouvé refuge sur un banc, à l’extérieur du Starbucks. Mais elle m’a suivi. Debout, là, sur les marches du café, elle m’a dévisagé et a hurlé : « Tu es le meilleur dentiste du monde! » Quelle chose étrange. Elle hurla de nouveau : « Tu es le meilleur dentiste du monde! » Vraiment très bizarre. C’était complètement fou. Et potentiellement dangereux. Enfin, si jamais le jury du Prix Siminovitch en avait vent? Que se passerait-il s’il apprenait que j’étais dentiste et non pas créateur de marionnettes? Il me déposséderait du Prix avant même que j’aie eu le temps de mettre la main dessus. « Tu es le meilleur dentiste du monde! »

Je me suis levé, prêt à partir, je l’ai regardée et lui ai dit : « Vous savez très bien que je ne suis pas dentiste ». Ce à quoi elle répliqua : « Tu es le meilleur dentiste du monde! » Je l’ai de nouveau dévisagée pendant une demi-seconde et je me suis alors rendu compte de deux choses : un, qui étais-je pour la contredire? Je puis vous assurer que je n’ai jamais tâté de la dentisterie amateur. Que je ne suis pas diplômé en chirurgie dentaire. Mais si elle voulait hurler à qui voulait l’entendre que j’étais le meilleur dentiste du monde, qu’est-ce que cela pouvait bien faire? Qui sait, peut-être y a-t-il un prix qui récompense aussi le meilleur dentiste du monde? J’aurais peut-être pu doubler mes revenus!

La deuxième chose dont je me suis rendu compte est la suivante : elle n’était ni sorcière, ni voyante, ni folle. Elle était cet être étrange et magique que je cherche dans les tramways, les aéroports et les cafés. Cette magnifique créature hurlante et imparfaite était mon inspiration, ma muse.

Pendant des années, on m’a demandé : « Bon sang, Ron, comment tu trouves tes personnages? » Eh bien. J’ai un chaudron où bouillonnent toutes sortes de niaiseries et d’inventions dans mon studio, mais la source de mes personnages, c’est nous. Nombreux sont les marionnettistes à façonner des personnages fantastiques, des gargouilles et des monstres, des anges et des démons, des elfes et des animaux qui parlent. Je crée de petits personnages, des représentations plus petites de nous tous; parce que dans mon espèce, il y a assez d’anges et de démons.

Alors cette femme tout à la fois magnifique, folle et abîmée par la vie qui ne cessait de proclamer que j’étais le meilleur dentiste du monde allait sans aucun doute se frayer un chemin sur scène, dans mon prochain spectacle, une icône en bois ratatinée dont la folie et le désespoir évoquaient la condition humaine. Une vision iconique de nous-mêmes sur scène qui peut-être ne se prête à aucune discussion, mais se laisse simplement ressentir.

Je suis le produit de mes mentors et de leur confiance en moi. De prestigieuses, magnifiques et imparfaites brutes de l’art du spectacle de marionnettes qui m’ont appris à dessiner, à sculpter et à observer, mais surtout, m’ont poussé à dépasser les limites du simple divertissement facile et charmant que cet art était devenu. Je suis aussi le produit de mon pays et de la confiance qu’il m’a faite. Certes, le Canada anglophone n’est peut-être pas le lieu de prédilection de la création théâtrale de l’heure, mais je continue de croire que je suis ici devant vous ce soir simplement parce que j’étais un enfant canadien passionné de marionnettes. Nous avons peut-être tous la responsabilité de faire de notre environnement un monde meilleur. En tant que marionnettiste, fils et Canadien, j’espère pouvoir y parvenir en échange des immenses faveurs qui m’ont été accordées.

J’ai une énorme dette envers les collègues et les artisans qui ont travaillé avec moi au cours des années pour créer mes marionnettes. Leur amitié, leur passion et leur souci du détail n’ont cessé de faire de moi une personne meilleure et m’ont poussé à continuer alors que je me retrouvais parfois assis sur une montagne de sciure, à me demander comment j’allais bien pouvoir honorer une autre échéance impossible. Je suis aussi reconnaissant et redevable envers un nombre incalculable de concepteurs, d’auteurs, d’acteurs, de danseurs, de techniciens et de musiciens qui m’ont inspiré, m’ont remis en question et plus encore m’ont fait la grâce de leur générosité d’esprit. Personne n’a bénéficié d’une plus grande bonté.

Pour Martin Stevens, mon mentor, qui, mon père mis à part, a été l’homme le plus influent dans ma vie et certainement l’un des plus dignes d’être cité, une marionnette était une idée mise en forme et en mouvement. Il insistait pour que les trois éléments indispensables soient présents : la forme physique, la pensée ou l’impulsion à l’origine de la création du personnage et le mouvement sur scène. Je me suis rendu compte l’autre jour qu’il s’agissait là d’une excellente description; elle s’applique aussi à la vie d’une personne. C’est pourquoi je suis reconnaissant d’avoir obtenu le Prix Siminovitch de théâtre qui ne manquera pas de me pousser à réfléchir et à aller de l’avant, encore et toujours. Je pars en tournée avec mes spectacles depuis l’âge de 14 ans. Ma carrière est plus longue que celle du premier ministre. Alors, grâce à ce fol acte de foi et de confiance répétée dans le gamin passionné de marionnettes que le Prix Siminovitch récompense aujourd’hui, cette voix audacieuse, unique, issue du Nouveau Monde et éminemment canadienne continuera de se faire entendre.

Je vous remercie.

En retour, j’ai le plaisir de pouvoir faire bénéficier une jeune artiste canadienne, elle aussi conceptrice de marionnettes et marionnettiste, de mon vote de confiance et d’une partie de ce Prix extraordinaire. Il s’agit d’une jeune femme qui est à n’en pas douter une puriste. Elle a assisté à un spectacle de marionnettes d’un compatriote – ce compatriote – il y a quelques années et s’est dit… eh… c’est ce que je veux faire. Elle est partie étudier à l’Institut international de la marionnette, en France, en est ressortie diplômée et a, elle aussi, rapporté toute cette richesse dans ses bagages. Une jeune femme qui, lorsque je lui ai téléphoné pour lui annoncer qu’elle avait gagné une partie de ce Prix, s’est mise à pleurer et s’est écriée : « Je vais pouvoir monter un nouveau spectacle! ». Je n’aurais pu mieux choisir. Il s’agit de Clea Minaker. J’ai l’immense plaisir de vous la présenter à titre de protégée du Prix Siminovitch de théâtre de cette année.

2009 Protégée

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Cléa Minaker

Cléa Minaker

Protégée, 2009

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Clea Minaker est interprète, scénographe et metteure en scène et elle amène un langage moderne de marionnette au théâtre, au cinéma, aux vidéos de musique et à des spectacles musicaux. De 2002 à 2005 Clea a reçu son entraînement avec la sixième promotion de L’École nationale supérieure des arts de la marionnette, à l’institut international des arts de la marionnette à Charleville-Mezières, France. En 2007-2008, elle a fait une tournée internationale avec Feist, spectacle pour lequel elle a conçu la scénographie et qu’elle a interprété pour près de cent représentations. Ses créations pour le théâtre incluent: The Living Lantern (Festival Casteliers ‘carte blanche’ 2009), Beauty (commandité par Youtheatre 2010), Oh! What a Feeling (Festival Casteliers 2007), et Immobile (Rhubarb! Festival of New Works, 2006). Clea a enseigné la marionnette en tant qu’artiste invitée à l’université McGill, à Concordia, à The Deer Crossing Art Farm (Gibsons B.C), et à M.a.i à Montréal. Clea Minaker a grandi sur l’île de Vancouver et elle vit à Montréal.

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Kim Collier

Kim Collier

Lauréate, 2010

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2010 Lauréate

Avant de commencer sa carrière de metteure en scène, Kim a étudié le théâtre à l’Université de Victoria, le théâtre physique à Mime Unlimited, à Toronto, et obtenu, en 1994, un diplôme d’interprétation sanctionnant trois années d’études au Studio 58 de Vancouver. Un an plus tard, elle participe à la fondation de l’Electric Company Theatre dont le travail est rapidement reconnu à l’échelle nationale comme moteur de la renaissance du théâtre indépendant à Vancouver. Sous sa direction, la compagnie a créé une dizaine d’œuvres originales, issues d’un intense processus de collaboration, dont trois productions majeures « spécifiques au site ». Kim est de plus en plus présente sur les grandes scènes canadiennes et dans les festivals du pays, notamment au Theatre Calgary, au Festival TransAmérique, au Centre national des Arts, au Citadel Theatre et à la Canadian Stage Company. En 2011, son interprétation cinématique en direct de No Exit sera présentée par l’American Conservatory Theatre, à San Francisco. Kim a reçu de nombreux prix, notamment trois prix Jessie Richardson pour la mise en scène, un prix Betty Mitchell récompensant la meilleure production et, en 2009, le prix du Maire de Vancouver pour les arts.

Discours d’acceptation

Quel formidable honneur, que celui de recevoir le Prix Siminovitch (sim-in-ove-itch) de la mise en scène. J’aimerais exprimer mes remerciements les plus sincères aux fondateurs de ce prix, à la fois pour avoir offert cette chance merveilleuse, à moi et aux autres lauréats, mais aussi pour tout ce que cela signifie pour le théâtre canadien. Merci à BMO Groupe Financier de soutenir ce prix et d’organiser cette soirée. Je souhaite également exprimer ma gratitude à Maureen Labonté, présidente du jury, et aux membres du jury Marcus Youssef, Marti Maraden, Marie Clements, Alain Jean, et Jillian Keiley. Merci aussi à Matthew Jocelyn, qui a si bien pris soin de ma nomination.

Il est merveilleux que ce prix rende hommage à la remarquable histoire de Lou Siminovitch et de sa femme, la regrettée Elinore, et aux liens qu’ils faisaient naître entre l’art et la science. C’est dans cet esprit que j’aimerais évoquer l’anecdote suivante : il y a quelques années, à la demande du Dr Michael Hayden, du Centre de médecine moléculaire et de thérapeutique, mes collaborateurs de l’Electric Company et moi-même avions monté une pièce intitulée The Score, une pièce qui deviendra par la suite un long métrage diffusé sur CBC. On attendait de notre projet qu’il suscite une discussion à propos de l’aspect éthique de la génétique, un domaine sans cesse en évolution. Nous nous sommes plongés dans nos recherches, profitant de l’accès que nous avions au laboratoire et à l’équipe de chercheurs de Michael. Ce qui nous a le plus surpris alors, c’était de nous reconnaître en tant qu’artistes dans cette communauté scientifique : c’est la même passion qui nous pousse à aller vers l’inconnu, à explorer des idées et à formuler des questions, à nous lancer dans des projets novateurs pour améliorer la condition humaine et à montrer une insatiable curiosité pour notre travail. Nous nous sommes fait des amis extraordinaires et je crois que nous avons contribué à la création d’un véritable dialogue au sein d’une communauté élargie. Je remercie donc tout particulièrement Lou et Elinore, les inspirateurs de ces récompenses qui savaient, chacun, lire dans le cœur de l’autre et comprenaient les idéaux partagés de l’art et de la science, qui ont plus de points communs que de différences.

Lorsque j’ai reçu l’appel de Maureen m’annonçant que j’allais être la lauréate de ce merveilleux prix, j’ai été abasourdie et submergée par l’émotion. Et puis après avoir raccroché le téléphone, ma première pensée a été celle-ci : « Comment suis-je arrivée là ? Qu’est-ce qui a déclenché cette passion dévorante que j’ai pour le théâtre ? »

Immédiatement, je me suis mise à penser à la façon dont mes parents m’ont élevée, m’encourageant à croire en mes rêves et en la vie.

J’ai grandi entourée d’une multitude d’actes de création essentiels et pratiques : la poésie prolifique de grand-mère, son tissage, sa broderie, ses toiles et ses pâtisseries. Papa travaillant dans son atelier, le soir, pour faire des bijoux ou des meubles, sculpter des planches à découper personnalisées pour chacune des femmes de la famille. Son jardin. Mes cousins, mes frères et moi faisant des cartes, des maisons hantées, des émissions de radio, des films super 8 et des forts. Le jardin de grand-père. Grand-mère en train de jouer du piano, moi en train de jouer du piano. Grand-père qui se mettait à chanter en rencontrant quelqu’un, et pour qui il réussissait toujours à trouver une chanson comportant son prénom. Sans oublier les chansons transmises de génération en génération, entonnées par mes oncles et tantes et reprises en cœur autour d’un feu de camp. Dans cette incroyable application à vivre, à être ensemble, j’ai eu l’avantage de savoir très tôt ce qui était vraiment essentiel dans la vie.

Je viens d’une famille puissante. Puissante, dans le sens où elle est chargée d’amour ; pour le meilleur et pour le pire, nous nous exprimons à cœur ouvert, nous choisissons de nous soutenir mutuellement et nous ne nous cachons rien.

Quand j’étais enfant, ma mère me disait toujours : « Tu peux faire tout ce que tu veux, dans ce monde. » Mon père, lui, disait : « Ne te dépêche pas d’atteindre ta destination dans la vie parce qu’une fois que tu y seras, tu y seras pour longtemps, alors amuse-toi en chemin. » C’est à l’université de Victoria que j’ai suivi mes premiers cours de théâtre. J’ai quitté le programme avant la fin et suis partie faire du vaudeville dans le Yukon, au Palace Grand Theatre. Mon père m’a alors suggéré d’utiliser une partie de la somme que ma mère et lui avaient mise de côté pour mes études afin de m’acheter une fourgonnette Volkswagen. Quand j’ai voulu la transformer en véhicule de camping pour y vivre, il m’a aidée à enlever les sièges et à construire un lit, des placards et des tiroirs. Un mois plus tard, environ, je l’appelais de Dawson City pour lui dire que j’avais très envie de peindre des motifs sur la carrosserie, mais que je craignais que cela fasse baisser la valeur de revente du véhicule. Peu après, je recevais une boîte de couleurs expédiée par mes parents. Ils me donnaient le sentiment que tout était possible, une permission de reconnaître que le bon choix n’est pas toujours le plus pragmatique. Et avec tout cela, ils me faisaient le cadeau de la liberté.

J’appartiens à une communauté magnifique, compliquée, politisée et passionnée, c’est ma famille, et grâce à elle, à cette tribu, j’ai toujours eu le sentiment de faire partie de quelque chose, de savoir clairement qui j’étais. Enfant, j’étais consciente du fait que cela me distinguait des autres enfants. J’étais une marginale, une marginale parfaitement intégrée à sa tribu. Mais c’est cette différence qui me poussait à créer une communauté.

Et je pense qu’en fin de compte, si l’on y regarde bien, au-delà de l’amour de l’art, au-delà de mon ambition, au-delà de la sueur, des larmes, de l’angoisse et de l’enthousiasme, du stress et du doute, ce que j’ai toujours cherché à faire, avec mon œuvre théâtrale, c’est créer une communauté. Créer des moments dans le temps qui seront incontestablement présents et partagés. Impliquer directement les membres du public. Déclencher leur lien, intellectuel ou émotif, avec le contenu, leur lien avec eux-mêmes et avec les autres. Provoquer, susciter une discussion après la représentation ou même insister pour qu’il y en ait une. Donner au public une fabuleuse occasion de se sentir vivant. Vivant parce qu’il vient de participer à une expérience qu’il n’avait encore jamais connue et à laquelle il ne s’attendait pas.

Je crois que les gens ont besoin de sentir ce niveau de qualité que l’on ressent lorsqu’on est inclus dans un processus, lorsqu’on fait partie d’une entité plus grande que soi, là où le lien physique, émotif ou spirituel qui nous rattache aux autres est authentique.

Pour moi, la scène est cet espace rare où nous partageons des questions sur notre identité et nos croyances, où nous trouvons une expérience collective dans un monde sans cesse plus médiatisé, un monde qui nous sépare et nous pousse vers l’isolement.

J’ai participé, au cours des quinze dernières années, à une remarquable renaissance dans le milieu du théâtre de création à Vancouver. C’est là que de nombreuses compagnies de théâtre de création ont fait le choix conscient et public de ne pas se traiter en concurrentes, mais plutôt en collaboratrices et collègues dans un esprit de ressource partagée et, plus important encore, d’amitié. Je crois que c’est ce choix, plus que tout autre, qui a permis à notre art de progresser jusqu’à devenir le milieu dynamique que l’on connaît maintenant, de créer de nouvelles institutions culturelles et d’aider des artistes indépendants travaillant à Vancouver à monter des spectacles qui seront ensuite présentés ailleurs au Canada et à l’étranger. J’accepte cette récompense en hommage à tous les merveilleux artistes de théâtre avec qui j’ai travaillé à Vancouver, alors que nous poursuivions ensemble un rêve : la création et la diffusion d’un théâtre propre à notre ville, à notre pays et à notre époque.

Le fait qu’ensemble nous sommes plus forts m’est toujours apparu comme une évidence et a été pour moi une grande source de motivation. Mon expérience m’a enseigné que nous pouvons provoquer de profonds changements au sein de cette communauté, simplement en ayant une vision, en invitant les autres à partager cette vision et en laissant chacun se l’approprier.

Mais nous faisons face à certains défis, à Vancouver. C’est une ville jeune et une province où la fonction essentielle de l’art et de la culture n’est pas encore assez largement appréciée ou comprise. Les réductions budgétaires massives et décomplexées effectuées l’année dernière dans le secteur culturel provincial en sont une preuve flagrante. Nous avons besoin que nos collègues provinciaux de la culture, du gouvernement et des affaires aident les décideurs de la Colombie-Britannique à comprendre ce que bon nombre de nos concitoyens savent déjà : l’art n’est pas une fioriture. Il est essentiel au développement d’une population cultivée, engagée et active ; une population qui, dans le contexte d’une société définie par des intérêts financiers, nous aide à définir activement les valeurs du monde dans lequel nous souhaitons vivre.

Il est crucial que des prix nationaux d’importance comme le Prix Siminovitch reconnaissent l’excellent travail accompli dans cet immense pays et qu’ils contribuent à communiquer la valeur de l’art. Le fait que ce prix attire l’attention sur notre communauté de Vancouver en cette année de coupures budgétaires est particulièrement précieux.

J’aimerais maintenant évoquer certaines des relations professionnelles les plus significatives qui ont joué un rôle crucial dans ma carrière.

ODE à Jan. La poésie et la magie des « appels ».

Le régisseur de plateau, c’est le chef d’orchestre au centre d’une composition de théâtre intégré, installé à la barre d’une pièce, dirigeant les éléments de machinerie de la scène pour en faire des histoires vivantes, des illusions et des rêves. Un régisseur de plateau respire avec le public, sentant avec les acteurs la forme que prend une pièce, lui donnant vie soir après soir. J’adore le fait qu’en 2010, alors qu’autour de nous, tant de choses sont devenues automatisées, au théâtre, peu importe le niveau de sophistication, il y a toujours une personne en chair et en os pour « faire les appels ». « Appel », quel mot merveilleusement suranné… Un simple code chuchoté fait de « tenez-vous prêts » et de « allez-y » qui forment une chaîne humaine d’imperceptibles actions physiques : hisser des cordes, tirer des rideaux, changer de costume ; les objets passent de mains en mains, les corps se glissent dans l’obscurité et le silence, le tout dans la peur d’être aperçu, de faire une erreur et de tout interrompre. Que fait-on alors ? Le régisseur de plateau doit intervenir, penser vite et sauver la journée.

J’ai eu la chance immense de travailler pendant la plus grande partie de ma carrière avec une régisseuse de plateau remarquable. J’aimerais, ce soir, rendre hommage à sa capacité phénoménale et surhumaine à faire les appels pour un spectacle et à gérer un processus créatif. Il s’agit de la merveilleuse et talentueuse Jan Hodgson. Je ne compte plus le nombre de fois où je me suis agenouillée à ses pieds en reconnaissance de son génie. Elle possède l’intuition d’une artiste et sans cela, les projets que nous avons montés ensemble auraient été privés de sa grâce, de son sens de la synchronisation et de son style. Jan, je t’aime – on se voit demain à la technique.

Pendant plus de 15 ans, j’ai créé des spectacles avec Kevin Kerr et Jonathon Young, mes collaborateurs de longue date. En 1996, nous avons fondé, avec David Hudgins, une compagnie de théâtre appelée The Electric Company. Et pendant des années et des années, nous avons fait de la création théâtrale ensemble. Difficile d’exprimer ce que nous avons représenté les uns pour les autres et ce que nous avons accompli ensemble. Ce prix, bien sûr, est à partager avec Kevin et Jonathon pour leurs idées, leur créativité et leur intelligence, qui imprègnent mon travail. Nous avons été véritablement courageux les uns avec les autres et déterminés à faire le meilleur travail possible. Nous avons repoussé nos propres limites et, parfois, les limites de notre art. Je me demande s’il est même possible pour nous de ne pas travailler ensemble, tant nous partageons une synergie artistique rare. Je veux juste dire à quel point j’ai été inspirée et mise au défi par vous deux. Vous avez tous deux été mes plus grands alliés au théâtre, ma plus grande éducation au théâtre et mes plus grands amis. Merci à vous, Kevin et Jonathon, pour votre intégrité, votre humanité et votre inlassable complexité. Il est tout à fait remarquable que nous ayons résisté, au fil du temps, à l’intensité du processus créatif et que nous soyons en mesure de nous qualifier de plus grands amis.

Ma fille Azra North Young aurait été très fière de sa maman, aujourd’hui. Elle a soutenu mon travail de façon merveilleuse et a passé d’immenses chapitres de sa vie à mes côtés, en salle de répétition, dans les fauteuils d’un théâtre, lors de lectures, de réunions du conseil, en tournée… et elle aimait tous nos spectacles. Nous l’avons toujours considérée comme le cinquième membre de l’Electric Company. Elle était encore bébé lorsque nous avons commencé et je suis devenue metteure en scène en même temps que maman. En réalité, ce tiraillement émotionnel que je vivais, entre ma passion du travail et mon désir d’être une bonne mère, n’a jamais été résolu. De bien des façons, j’avais l’impression d’être une pionnière en créant des moyens de faire cohabiter ces deux immenses engagements. Je crois que l’un des grands cadeaux que Jon et moi avons faits à notre troupe de théâtre, c’est de prouver qu’il est possible de placer à la fois la famille et le théâtre au centre de notre vie. À toutes les metteures en scène et les créatrices qui ont des enfants : bravo, soyez courageuses et brisez le moule – faites entrer vos enfants dans la salle, allaitez-les entre deux scènes, emmenez-les en tournée, chuchotez en parlant de procédés, d’acteurs, de ce qui a fonctionné ou pas. Laissez vos enfants prendre leur place dans votre vie, laissez-les se nourrir de votre passion.

Nous avons perdu Azra et ses cousins dans des circonstances tragiques il y a un peu plus d’un an. Ce n’est pas le moment de parler de ces choses-là et en même temps, si… parce que lorsqu’on vit une perte aussi douloureuse et impossible, on redécouvre à quel point, dans de tels moments, l’art résonne avec un écho d’autant plus puissant. Seuls les mots tissés en poésie peuvent reconnaître et dire votre peine. Seule la musique peut exprimer l’esprit du divin. Seule la danse peut dire l’essence spirituelle de ma fille. Seule la communauté se rassemblant pour élaborer rituellement un mandala pouvait m’apporter une quelconque forme d’espoir et de foi. Le théâtre est un rituel, le théâtre est une poésie, le théâtre est une communauté. Le théâtre a été ma raison de continuer avec le maigre espoir de faire en sorte que d’autres estiment que la vie vaut la peine d’être vécue – de donner du sens, de l’espoir ou une forme de libération.

Le théâtre, c’est cet infini lieu de découverte dans lequel nous pouvons toujours trouver du nouveau, de l’étrange, du remarquable, de la profondeur, de la sagesse. C’est la muse de mon éternelle quête.

Il y a quelque chose de divin dans le fait que je reçoive ce prix à cette étape de ma vie. Je crois que l’année, le mois et le jour ne pourraient être mieux choisis. Et je m’engage à honorer ce prix, à ne pas oublier ce cadeau et à ne pas oublier non plus à quel point, grâce à cette occasion, la possibilité m’est offerte de renforcer mon cœur, ma vision, mes connaissances et ma compréhension des choses. Je fais le vœu d’insuffler cette inspiration à mon travail dans l’espoir qu’il atteigne et inspire une plus large communauté.

L’un des merveilleux aspects de ce prix est l’occasion qu’il me donne de remettre à un ou une artiste du monde du théâtre une récompense de vingt-cinq mille dollars. Voilà pour moi l’occasion rêvée de rendre hommage à une femme que je respecte infiniment en tant que metteure en scène et qui lance maintenant ses propres créations théâtrales. Il y a quelques années de cela, elle a collaboré avec moi à deux projets et j’ai tout de suite su qu’elle était une véritable metteure en scène : ses remarques étaient perspicaces, son intuition intense et sa créativité bouillonnante. L’année dernière, j’ai découvert Kismit, sa plus récente création collective, dont j’ai adoré la sensibilité et la mise en scène novatrice. Elle est fraîchement diplômée en mise en scène de l’École Nationale de Théâtre du Canada. Cela me donne l’immense plaisir de soutenir une autre metteure en scène impliquée dans le théâtre de création, une femme qui apporte sa propre vision à la scène : permettez-moi de vous présenter Anita Rochon.

2010 Protégée

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Anita Rochon

Anita Rochon

Protégée, 2010

Image : Nom, Titre, Description

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Anita Rochon est metteure en scène, auteure et comédienne et travaille à Vancouver et un peu partout au pays. Elle a contribué au développement de plus de 25 nouvelles œuvres pour le théâtre, allant du simple mouvement à des scénarios et des textes de théâtre traditionnel. Elle a fait la mise en scène de KISMET one to one hundred, elle a co-écrit Townsville, avec des étudiants de deuxième année du Studio 58, elle a joué dans 2 Truths + 1 Lie = Proof (HIVE) et assuré la mise en scène de deux des spectacles de la Patti Fedy trilogy. Elle a fait partie de la distribution de BIOBOXES de Theatre Replacement qui a fait une tournée de OYR’s High Performance Rodeo, PuSh Festival, BC Scene, The Theatre Centre et le FTA. Elle a fait des mises en scène pour l’Opéra de Vancouver, le Théâtre la Seizième, Theatre Replacement et au Studio 58 où elle a reçu sa formation. Elle est diplômée du programme de mise en scène de l’École nationale de théâtre.

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Jason Hand

Jason Hand

Protégé, 2012

Image : Nom, Titre, Description

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Jason Hand a créé les éclairages pour les premières mondiales de The Trespassers au Festival de Stratford, The DeChardin Project pour The Quickening Theatre, et Tijuana Cure pour Theatre Smash, ainsi que pour les premières canadiennes de The Ugly One pour Theatre Smash, et The Silent Serenade pour le Royal Conservatory of Music. Il a créé des éclairages astucieux pour des sites spécifiques pour les productions de Peer Gynt et Gorey Story pour le Thistle Project, et la production collective de Vacancy. Il a également conçu les éclairages pour les productions au succès retentissant de La Bohème et Turn of the Screw pour le théâtre Against the Grain.

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Robert Thompson

Robert Thompson

Lauréat, 2012

Image : Nom, Titre, Description

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2012 Lauréat

Robert Thomson est l’un des concepteurs d’éclairage indépendants les plus polyvalents et les plus actifs au Canada dans les domaines du théâtre, de l’opéra et de la danse. Il a participé à Much Ado About Nothing et à Cymbeline cette année au Stratford Shakespeare Festival. Sur une période d’onze saisons consécutives, il a participé à 27 projets à Stratford, dont Caesar and Cleopatra et King Lear, mettant tous deux en vedette Christopher Plummer, The Homecoming et Krapp’s Last Tape, mettant en vedette Brian Dennehy, Dangerous Liaisons, The Taming of the Shrew, Romeo and Juliet et Into the Woods. Robert a été concepteur d’éclairage en résidence du Ballet national du Canada pendant douze saisons. Il a notamment participé pour cette compagnie à Swan Lake, The Taming of the Shrew et Romeo and Juliet. Il a aussi fait de la conception pour le Shaw Festival Theatre pendant vingt-quatre saisons, y compris un mandat de dix ans à titre de chef de la conception de l’éclairage, où il a travaillé sur St. Joan, Man and Superman, Cavalcade et Cyrano de Bergerac. Il a conçu l’éclairage pour la remarquable première mise en scène d’opéra par Robert Lepage, le Château de Barbe-Bleue et Erwartung, qui a été présentée par de nombreuses compagnies au Canada et dans le monde entier. Il a fait de la conception pour de nombreuses compagnies comme l’American Ballet Theatre au MET, le Lincoln Center Theatre, le Goodman Theatre, Chicago, le Ballet de Stuttgart, Canadian Stage, le CNA, le Citadel Theatre, le Manitoba Theatre Centre, la Compagnie théâtrale du Centaur et le Théâtre Segal. Au cours de sa carrière qui s’étend sur 25 ans, Robert a reçu de nombreux prix, y compris un prix Sterling pour la production par l’Edmonton Opera de Bluebeard’s Castle et quatre des prestigieux prix Dora Mavor Moore. M. Thomson est membre de l’Association des designers canadiens et de l’Association des professionnels des arts de la scène du Québec.

Discours d’acceptation

J’aimerais commencer par quelques remerciements.

  • Merci à Joe Rotman et aux autres donateurs fondateurs d’avoir fait preuve de vision et de générosité en créant ce prix.
  • Merci à Andrew Auerbach et au personnel de BMO d’avoir orchestré cette belle soirée.
  • Merci également à Lou et à Elinore Siminovitch : Je suis convaincu qu’Elinore serait fière de ce qui a été accompli ces 12 dernières années, du nombre de vies qui ont été touchées. L’obtention d’un tel prix a un impact non seulement sur les lauréats, mais aussi, grâce à l’effet domino, sur les collègues de ces lauréats, la collectivité et, au bout du compte, le public.
  • Merci à Maureen Labonté et à son jury distingué : Alison Green, Shawn Kerwin et Jock Munro, qui sont parmi nous ce soir, ainsi que Claude Goyette et Leigh Ann Vardy. Personne ne doit envier la tâche qui vous a été confiée.
  • Et merci à Jennifer Tarver d’avoir fait une mise en candidature aussi élégante et persuasive. C’est certainement pour cela que je suis ici ce soir. Tu as été ma metteure en scène, ma collaboratrice, ma championne et ma partenaire d’entraînement pour un grand nombre de projets maintenant, et je suis très fier de te considérer comme une amie. (Pour ce qui est de la sauce à enchiladas que tu m’as fait passer à la frontière, elle n’entrait pas dans mes bagages à main, alors je vais la garder jusqu’à la prochaine fois que nous allons travailler ensemble…)

Et merci à vous, mes collègues scénographes! J’apprécie votre expérience, je suis inspiré par votre vision et je me nourris de vos réalisations et de vos succès. J’ai été très honoré de faire partie de la courte liste de finalistes aux côtés de Richard Feren, d’Anick La Bissonière, de Richard Lacroix et d’Alan Brodie, mon collègue éclairagiste.

J’aimerais aussi souligner la contribution des anciens lauréats du Prix, dont certains sont parmi nous aujourd’hui : John Mighton, Ronnie Burkett et Kim Collier. C’est une grande leçon d’humilité que d’être en compagnie de gens aussi illustres. (J’avais espéré que l’un d’entre vous me paie un verre pour me dire comment contrôler ma nervosité…)

Enfin, merci à toutes les autres personnes présentes ici ce soir qui consacrent une grande place au théâtre dans leur vie, que ce soit à titre de comédiens ou en nous appuyant et en nous témoignant leur appréciation. Je vous salue bien bas.

Je suis un spécialiste de l’éclairage, et non des mots, alors ceci est un défi de taille pour moi. Ironiquement, même si je travaille avec les projecteurs, je suis rarement sous les feux de la rampe. En réalité, les concepteurs d’éclairage sont souvent les derniers à se joindre au processus de répétition et les premiers à quitter, alors il est facile de se sentir en retrait des autres; les gens que nous croisons dans les couloirs ne savent pas exactement qui nous sommes, ou même ce que nous faisons exactement. Donc, merci de souligner notre présence.

Je suis tombé amoureux du théâtre à l’école secondaire. J’ai bien l’impression que ça avait autant à voir avec la découverte du « monde du théâtre » qu’avec le fait d’avoir une excuse pour manquer les cours. Mon professeur de maths, M. Hurst, n’a rien fait pour m’en dissuader. Il a vu en moi quelque chose que je n’avais pas encore remarqué et il m’a remis un billet d’accès illimité à la salle de spectacle, une sorte de laissez-passer pour sécher les cours à volonté et passer encore plus de temps à l’auditorium.

Pour obtenir un emploi d’été, j’ai posé ma candidature au forum de la Place de l’Ontario. Mon père m’a suggéré de demander à notre député provincial George Kerr de m’écrire une lettre d’appui, ce que j’ai fait, et, oh miracle!, j’ai obtenu cette lettre. Plus étonnant encore, on m’a embauché. Ça a dû laisser bouche bée la troupe expérimentée, qui ne pouvait pas savoir que cet étudiant secondaire débordant d’enthousiasme avait en quelque sorte bénéficié d’une nomination politique.

À 18 ans, il n’est vraiment pas facile d’essayer de découvrir ce que nous allons faire plus tard. Ma fille cadette est présentement aux prises avec ce débat interne, et j’aimerais lui dire, comme mon père m’a dit avant elle, de faire quelque chose qu’elle va aimer! Après avoir perdu un semestre à étudier en sciences de l’agriculture, j’ai fini par comprendre que je voulais me lancer dans la scénographie de théâtre. Mon père, ingénieur dans l’âme, savait que j’aurais besoin de développer des aptitudes de dessin technique et il m’a remis un bloc de papier quadrillé en me disant : « Tu dois apprendre à écrire une lettre par carré. » (Il m’a aussi dit de me préparer à être souvent sans emploi… ce qui, par miracle, n’a pas été une grande préoccupation dans ma carrière. Durant l’essentiel des 35 dernières années, j’ai été en quelque sorte un travailleur autonome avec un emploi stable… d’une durée d’un mois à la fois.)

J’ai été extrêmement chanceux au cours de mes années formatrices. À mon troisième été à la Place de l’Ontario, on m’a demandé d’aller m’occuper du son au Shaw Festival (ça a été le début d’une collaboration qui s’est échelonnée sur 25 ans). On m’a ensuite accepté au Studio and Forum of Stage Design à New York, où j’ai étudié deux ans sous la férule de Lester Polokov (je dois un gros merci au Conseil des arts du Canada). Lester, qui a probablement été mon plus grand professeur, m’a appris à voir le monde sous un nouvel angle et à imaginer comment les autres pouvaient voir et percevoir les choses. J’ai tiré des enseignements de quelques-uns des meilleurs scénographes de Broadway et j’ai été grandement exposé à la scène théâtrale américaine, mais ça m’a surtout permis d’apprécier mon identité. Je voulais en apprendre le plus possible, mais de plus en plus, je sentais l’urgence de revenir au Canada et d’appliquer mes connaissances à la sauce canadienne en travaillant dans un théâtre canadien. C’est une décision que je n’ai jamais regrettée.

Ma carrière dans le milieu de l’éclairage s’est mise en branle ici à Toronto, au Tarragon Theatre, comme pour bien d’autres avant moi. Bill Glassco a posé un grand acte de foi en faisant de moi son éclairagiste maison. J’ai pu avoir un emploi stable durant deux ans et demi, travailler avec des auteurs, plancher sur de nouveaux scénarios et découvrir cette famille extraordinaire de créateurs… J’ai appris sur le tas. (Je suis fier encore aujourd’hui que l’une de mes conceptions d’éclairage ait déjà fait partie de la liste des coups de cœur du public dans un sondage du théâtre Tarragon, au même titre que les biscuits des concessions, qui, soit dit en passant, étaient excellents.)

Lorsque Christopher Newton a pris la direction du Shaw Festival en 1980, il a transformé radicalement l’ensemble du théâtre. Il a amené avec lui sa merveilleuse équipe de scénaristes et ensemble, ils ont redessiné l’intérieur du théâtre et revu son importance sur les scènes du Festival. En tant que jeune scénariste, c’est probablement l’expérience qui m’a le plus transformé au cours de ma carrière. C’est ainsi que j’ai rencontré l’éclairagiste Jeffrey Dallas, qui est devenu l’un de mes collègues et mentors les plus importants. (Jeffrey nous manque encore beaucoup.) J’ai eu le privilège de monter plusieurs spectacles avec Christopher, chacun d’entre eux s’étant avéré une expérience unique dont je vais toujours me souvenir.

À New York, il y avait une foule de scénaristes adjoints qui apprenaient les rouages de leur métier dans les tranchées, mais au Canada, il y avait peu de modèles vers lesquels se tourner dans les années 1970. Mes pairs et moi avons donc commencé à ériger des structures en prévision de l’avenir : nous avons créé des postes d’adjoints et nous étions toujours à l’affût des nouveaux talents.

Le théâtre est un apprentissage perpétuel; j’apprends toujours quelque chose de mes collègues, sur mon métier et sur le travail lui­même. Au fil des ans, j’ai eu la chance de collaborer avec beaucoup de grands artistes et artisans sur de petits et de grands projets de théâtre, de ballet et d’opéra. En particulier, j’ai pu travailler avec quelques grands metteurs en scène et chorégraphes qui ont une influence sur moi : Robert Lepage, qui a fait voler en fumée mes idées préconçues au sujet de l’opéra, Robert Carson, Peter Hinton, qui n’a jamais eu peur du côté sombre, William Forsythe, Jonathan Miller, qui m’a montré comment mettre en lumière Shakespeare, James Kudelka, Neil Munro, qui a fixé les normes en matière de recherche, Eric Bruhn et Derek Goldby, qui m’a présenté Berlioz et montré comment mettre en lumière avec panache! Je ne veux pas dresser une liste de noms, mais simplement reconnaître la chance extraordinaire que j’ai eue. Et il y a bien sûr Jennifer, qui est tellement collaboratrice, adore le processus et me laisse essayer des choses complètement folles

Pour paraphraser Martin Mull, parler de l’éclairage, c’est un peu comme danser sur de l’architecture. Mon moyen d’expression, la lumière, a été créé et conçu pour l’œil de l’être humain. Il est insaisissable, difficile à documenter et pratiquement impossible à articuler. (C’est déjà assez difficile avec mes collègues, alors vous pouvez imaginer ce que c’est auprès d’un auditoire aussi diversifié que celui-ci!) Le fait est que l’éclairage de scène n’existe qu’à un moment précis dans le temps. Il exprime le temps, il l’exagère et, tout comme les personnages qui jouent sur la scène, il fait partie intrinsèque de la pièce. L’éclairage est vivant.

La beauté de l’éclairage, tout comme la conception sonore, est sa capacité à exercer un impact émotif sur une production, donc sur le public. Mais ce n’est pas facile à quantifier. Qu’est-ce que je peux dire en rentrant à la maison à la fin de la journée? Que j’ai passé 14 heures à embellir une œuvre. À la rendre plus suggestive. Plus sinistre. Plus provocatrice. Plus séduisante. Bref, plus conforme à ce qu’elle devait être.

Je travaille présentement à Montréal sur une production de la pièce RED de John Logan, l’histoire romancée du peintre américain Mark Rothko et de son jeune assistant. Cette cantate fabuleuse explore la nature et la définition de l’art. Pendant que je réfléchissais à ce que j’allais dire ce soir, les thèmes de ce discours continuaient à raisonner. Et ça m’a fait me demander si je pourrais un jour me considérer comme « un artiste ». Il ne s’agit pas ici de fausse modestie ou d’un quelconque cliché de l’insécurité – bien que je vive dans la crainte perpétuelle qu’un jour on me surprenne en pleine représentation!

L’autre particularité de l’éclairage, c’est qu’il n’existe que de concert avec les autres éléments créatifs. Assurément, le théâtre est un véritable concert d’artistes. L’éclairage n’a d’importance que dans l’élaboration d’une idée ou d’une vision, que ce soit celle d’un metteur en scène, d’un autre scénariste ou de l’histoire, ou dans la transposition d’un moment émotif qui exige une certaine forme ou une certaine orientation.

Chaque production est unique. Dans la mesure du possible, mon approche consiste à n’avoir aucune approche… je cherche à tirer toute mon inspiration du texte ou de la musique, de la salle de répétition et du cheminement collectif de mes camarades artistes. Ma préparation est celle d’un voyeur : recueillir chaque jour de manière obsessive des images et des observations de la nature, de l’architecture, des médias et de l’art visuel. Noter les effets de la lumière sur les gens, leurs vies et leurs environnements, ainsi que les interprétations émotionnelles ainsi évoquées.

Pour chaque nouveau projet, j’essaie de me réinventer en me dissociant de mes expériences antérieures. Je vois mon travail comme celui de n’importe quel autre artiste : tâcher de découvrir, aux côtés du metteur en scène, l’univers de la pièce et le message que nous cherchons à véhiculer. C’est ce qui fait le charme et l’immense plaisir de notre travail : chaque nouveau projet nous donne la possibilité de nous projeter dans un nouveau maelström d’expériences.

Bien sûr, tout cela n’est pas simplement une « nage avec les dauphins ». Peu d’artistes peuvent vivre uniquement de ce qu’ils gagnent en faisant du théâtre. Les rigueurs de la vie de travailleur autonome, la recherche continuelle de travail… tout cela peut être éreintant. Il faut faire des choix et porter beaucoup de chapeaux. Pour moi, il n’est jamais facile de dormir la veille de la remise d’un plan d’éclairage, une échéance qui arrive toujours trop rapidement.

Et puis, le monde dans lequel nous créons est de plus en plus difficile et impassible. Un jour, une communauté pleure la perte d’une grande institution, et le lendemain, une autre est aux prises avec un scandale de gouvernance ou un congédiement injuste. Les théâtres doivent se serrer la ceinture, et cela se reflète sur la programmation, de même que notre vision de plus en plus étroite. Comment pouvons-nous compétitionner avec les vidéos en continu et la téléréalité?

Dans RED, le personnage fictif de Rothko s’insurge désespérément contre la montée en puissance de la culture d’économie de marché. Par­dessus tout, il exècre la marchandisation de l’art : un travail qui cherche à être décoratif, à être à la mode ou simplement à être pratique.

Au sujet de ses propres tableaux, il dit : « ce n’est pas beau, ce n’est pas raffiné, c’est authentique. Et peu importe ce que c’est, ce n’est pas joli. Je suis là pour vous surprendre, vous comprenez?!? Je suis là pour vous faire réfléchir! »

Le théâtre, c’est important. Il nous donne la capacité de réfléchir à notre expérience et de raconter nos histoires. De remettre en question les perceptions, les suppositions et les superstitions de la société. Et il nous permet de le faire avec un moyen d’expression vivant, en complicité avec un public. Maintenant, plus que jamais, les frontières se déplacent et les distances diminuent. À un moment où le besoin de participer à des échanges culturels internationaux est urgent, nous avons la responsabilité de partager nos histoires avec les autres et avec le monde.

Le Prix Siminovitch est la plus importante marque de reconnaissance que nous pouvons obtenir de la part de nos pairs dans le milieu du théâtre canadien. C’est un bel exercice d’humilité! Et au-delà de la simple reconnaissance, ce prix a pour but de motiver son lauréat à aller encore plus loin. C’est fantastique! Dans un monde qui place la jeunesse et la nouveauté sur un piédestal, il est rassurant de savoir que je peux encore apporter quelque chose. Que j’ai encore quelque chose à accomplir.

Dans Red, Mark Rothko demande à son assistant de passer du temps avec les maîtres. Il dit ceci : « En tant que peintre, le courage, ce n’est pas de faire face à une toile noire. C’est faire face à Manet. Faire face à Velasquez… »

Je suis ravi de cette récompense, ravi de pouvoir moi-même côtoyer quelques-uns des « maîtres ». C’est comme recevoir un autre laissez-passer pour l’auditorium 35 ans plus tard.

De l’autre côté des feux de la rampe, le Prix Siminovitch incarne la passion et l’engagement de ses donateurs et de ses parrains. Dans le contexte d’une indifférence grandissante de la part du gouvernement, il est encourageant de savoir qu’il y a encore des organisations et des gens qui ont un amour profond pour les arts. Un prix comme celui-ci aide beaucoup à transmettre la valeur de la culture dans notre pays. Et pour cela, je vous en félicite.

Ce qui est le plus intéressant lorsque l’on gagne le Prix Siminovitch, c’est d’avoir l’immense plaisir de pouvoir choisir une étoile en devenir pour partager une partie des honneurs. J’ai choisi deux scénaristes prometteurs pour partager le prix du protégé. Ça a été pour moi un honneur et un plaisir de travailler avec eux et d’être leur mentor, et je crois qu’ils seront bientôt des figures de proue dans le milieu de l’éclairage canadien.

Le premier est un jeune homme que j’ai rencontré lorsqu’il était scénariste adjoint à Stratford. J’ai été tellement impressionné par son talent, son coup d’œil, son calme et son potentiel remarquable que je n’ai pu m’empêcher de faire pression pour qu’il obtienne une promotion (je n’étais pas le seul). La saison suivante, j’ai partagé avec lui le plan d’éclairage d’une troupe de répertoire en tant que l’un des éclairagistes de la troupe.

La deuxième personne est une jeune femme qui m’a aidé à faire la transposition d’une grande comédie musicale sur la scène canadienne pendant qu’elle complétait sa dernière année d’études à l’école de théâtre Ryerson. Elle a supervisé le montage en mon absence, et lorsque je suis revenu, elle dirigeait déjà la troupe avec l’aplomb d’un vétéran. Elle m’a aidé sur de nombreux projets depuis, et j’ai été grandement impressionné par ses idées audacieuses et sa vision de la création. Nous avons récemment conçu conjointement une production, et elle sera chargée de mener à bien mon projet actuel à Montréal.

Dans RED, Mark Rothko finit par congédier son assistant. Il lui dit : « Tu n’as plus besoin de passer du temps avec moi. Tu dois rejoindre tes contemporains et créer ton propre univers, ta propre vie. Tu dois y aller maintenant. Sauter dans l’arène et tendre le poing en direction des autres. Faire quelque chose de nouveau. »

Mesdames et Messieurs, c’est pour moi un grand honneur de vous présenter ces deux collègues : Jason Hand et Raha Javanfar.

2012 Protégé

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Raha Javanfar

Raha Javanfar

Protégée, 2012

Image : Nom, Titre, Description

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Raha Javanfar est née en Iran, a grandi à Toronto. Elle est conceptrice d’éclairages et de projections, et musicienne à la pige. En tant qu’éclairagiste, elle travaille principalement dans le domaine du théâtre, de l’opéra, de la production de concerts et de tournée internationales. En tant que musicienne Raha joue surtout du violon avec plusieurs ensembles à Toronto. Elle compose et arrange de la musique et elle donne des cours privés.

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Annick Lefebvre

Annick Lefebvre

Finaliste, 2020

Protégée, 2014

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Biographie

Annick Lefebvre est diplômée en critique et dramaturgie de l’UQÀM en 2004. En 2012, elle fonde Le Crachoir, une compagnie qui repense le rôle de l’autrice ou de l’auteur au sein du processus de création/production/représentation d’une œuvre. Elle est entre autres l’autrice des pièces Ce samedi il pleuvait (finaliste du prix Michel-Tremblay 2013); La machine à révolte (finaliste du prix Louise-LaHaye 2015); J’accuse (finaliste du prix Michel-Tremblay, du prix de la critique de l’Association québécoise des critiques de théâtre [AQCT] [AQCT] et des Prix littéraires du Gouverneur général en 2015); Les barbelés (finaliste du prix de la critique 2019 de l’AQCT); ColoniséEs (lauréat du Prix Michel-Tremblay et finaliste des Prix littéraires du Gouverneur général en 2019), ainsi que de très nombreux courts textes pour des événements collectifs. Elle a récrit deux fois J’accuse : pour la Belgique, puis pour la France. Annick Lefebvre a été la protégée de l’auteur Olivier Choinière au Prix Siminovitch 2014. Son théâtre est publié chez Dramaturges Éditeurs.

On est en 1999, j’étudie au baccalauréat en enseignement du français au secondaire. Avec des amis qui étudient en théâtre, on va voir la première production du Théâtre du Grand Jour. La pièce se nomme Autodafé et elle est écrite par Olivier Choinière. Je ne sais pas qui est Olivier Choinière, mais je sais que le spectacle me fait découvrir une parole coup de poing à laquelle je m’identifie. En marge de sa représentation, le public peut participer à un concours: «Écrivez votre propre manifeste révolutionnaire». Je participe. Un an plus tard, je reçois un appel de Sylvain Bélanger, directeur artistique de la compagnie, il me dit: «Finalement, on a commandé des manifestes à des auteurs professionnels et on a organisé un événement qui va avoir lieu au Théâtre d’Aujourd’hui, mais on voudrait que ton texte fasse partie du spectacle.» C’est comme ça qu’en octobre 2000, alors que j’étais loin de me douter que j’allais écrire du théâtre un jour, Olivier Choinière mettait en scène la soirée À crier sur tous les toits et faisait entendre ma parole au public pour la première fois.

Après, on fait un saut de treize ans. Treize ans pendant lesquels je lâche mon baccalauréat en enseignement, je deviens stagiaire pour la création de la pièce Incendies de Wajdi Mouawad et j’écris ma première pièce. Olivier Choinière me propose d’en parrainer la réécriture et la production. On est le 9 avril 2013, c’est la première de Ce samedi il pleuvait, Mélissa, la blonde d’Olivier, vient s’asseoir à côté de moi et me demande si je suis nerveuse. Je lui dis que oui. Elle me confie qu’Olivier aussi. Je proteste. Je ne peux pas concevoir qu’Olivier soit stressé. Olivier arrive et Mélissa prend sa main et la dépose dans la mienne. La moiteur de sa paume est venue me confirmer qu’Olivier était fébrile. Et qu’il y croyait dur comme fer. En ce texte là… Et en moi, aussi, je pense.

Au printemps 2015, ma deuxième pièce sera présentée au Théâtre d’Aujourd’hui. Sur la même scène que les nouveaux textes de Wajdi Mouawad et d’Olivier Choinière. Ce qui m’émeut profondément. Cette saison, je vais aussi participer à un projet collectif qu’Olivier orchestre et pour lequel j’ai dédié le texte que j’y lirai à Marianne Dansereau. Marianne c’est une jeune comédienne de 23 ans, mais c’est surtout quelqu’un qui écrit des pièces qui me jettent par terre. Et moi, je suis prête à tout pour que le public accède rapidement à sa parole. Comme Olivier l’a fait avec moi, jadis. Or, cette semaine, j’ai reçu un appel de Marianne qui me disait qu’Olivier lui avait proposé de coacher l’écriture de sa prochaine pièce. Je suis tout de suite sortie de chez moi pour aller acheter du champagne. Puisque toutes ces filiations se rejoignaient avec une concordance qui me bouleverse encore.

Merci Olivier Choinière, merci d’être de tous mes envols, je pensais vraiment pas te remercier en utilisant une métaphore d’oiseaux, mais je vais m’assumer: merci pour les ailes. En même temps «les ailes» c’est aussi un terme qu’on peut utiliser pour désigner le permis de pilotage d’un avion, pis ça, j’haïs pas ça. Te remercier pour m’avoir appris à piloter la machine qui fait décoller mes mots pour mieux les faire atterrir où je désire, ben j’haïs vraiment pas ça!

Merci Paul Lefebvre, merci Marcelle Dubois, merci Marie-Ève Milot. Merci à l’organisation du Prix Siminovitch, merci d’avoir créé un prix qui permet un parrainage concret entre les diverses générations d’artistes. Je suis heureuse, choyée et honorée d’être des vôtres, ce soir.

Merci à vous tous! Bonne fin de soirée.

Protégé, 2014, Selected by Olivier Choiniere

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Olivier Choinière

Olivier Choinière

Lauréat, 2014

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2014 Lauréat

Olivier Choinière est diplômé en écriture de l’École nationale de théâtre (1996). Il s’est fait connaître avec Le bain des raines (1998), finaliste au prix du Gouverneur général (comme plus tard ses pièces Venise-en-Québec, 2006, et Nom de domaine, 2013), puis Autodafé (1999), créée par André Brassard. Félicité, créée en 2007 et présentée au Royal Court Theatre de Londres sous le titre de Bliss, dans une traduction de Caryl Churchill, a depuis été jouée au Canada anglais, en Écosse, en Australie et en Suisse.Mommy (2013), s’est valu quatre prix au gala des Cochons d’or, en plus d’être finaliste au prix Michel-Tremblay. Olivier Choinière a dirigé 50 acteurs dansChante avec moi (2010), pièce qui a remporté un prix de l’Association Québécoise des Critiques de Théâtre, pour ensuite être présentée au Centre national des Arts, au Festival TransAmériques et au Théâtre du Trident. Sa dernière pièce, Ennemi public, sera créée en février au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui. Le Conseil des Arts du Canada vient de lui décerner le prix Victor-Martyn-Lynch-Staunton en théâtre.

Discours d’acceptation

L’honneur qui m’est fait me permet de m’adresser à vous ce soir.

Cet honneur commande une sorte de franchise. Je serai donc franc avec vous: très souvent, je déteste le théâtre. Je déteste le théâtre, dirait-on, pour pouvoir l’aimer plus sincèrement. Ce qui m’en a éloigné, qui m’a souvent donné envie de l’abandonner, est aussi ce qui m’en a approché et permis de me l’approprier. Être dur avec le théâtre, c’est à mon sens lui assurer une bonne santé. Prendre conscience du contexte dans lequel cet art est pratiqué ici, maintenant, c’est prendre conscience de la manière dont nous vivons ici, maintenant. Ce qui m’indigne au théâtre est aussi ce qui m’indigne dans la vie.

Or dans mon coin de pays, le théâtre est en effervescence, en ébullition. Des lieux ouvrent, des compagnies naissent et multiplient les productions. Le théâtre est en éclatement, on pourrait dire « en crise de croissance ».

Cette crise de croissance a lieu en même temps que les budgets diminuent et les programmes gouvernementaux disparaissent. Elle s’accompagne d’un désengagement du politique, qui si par un beau matin improbable se met à défendre la chose culturelle, c’est pour mieux épouser le discours de l’économie triomphante.

Dans mon coin de pays, ce ne sont pas que les politiciens, mais les artistes qui copient le discours marchand, usant du vocabulaire hérité du marketing avec un sans-gêne qui fait peur. Les grands comme les petits plateaux sont monopolisés par une manière de faire, imposée certes par des contraintes budgétaires, mais également par une logique productiviste qui s’est implantée dans nos cerveaux comme une évidence. L’administration des théâtres a pris le pas sur la création qu’on y fait, nous transformant en petits entrepreneurs affairés, souriants dans la défaite, parce que « qu’est-ce que tu veux, on a plus les moyens de rêver ».

La prédominance de l’économie sur nos vies, particulièrement dans le discours du pouvoir, apparaît comme une fatalité proprement tragique. Malgré tous nos efforts, nous ne pourrions y échapper. Il s’agirait d’une loi naturelle, alors qu’il s’agit seulement d’une idée, d’une convention qui s’est imposée comme une vérité.

Quand j’écris une pièce de théâtre, ce sont ces conventions imposées que je veux mettre en lumière. Ce sont les structures du pouvoir, à commencer par celles que je m’impose à moi-même ou auxquelles j’obéis sans le savoir, que je tente de détourner. Et puisque le théâtre n’échappe pas à ces structures – il est, après tout, l’art des conventions! – c’est d’abord au théâtre que je m’en prends. Cette charge passe pour moi par la forme. À chaque pièce, je cherche à bâtir un nouveau cadre de lecture, le plus nouveau possible pour moi avec l’espoir qu’il le soit également pour d’autres. Car enfin, tous mes efforts ne visent pas à paraître plus intelligent ou encore à rendre mon produit culturel plus alléchant, mais bien à m’adresser le plus directement possible au spectateur. Si j’aime le rendre actif, acteur et lui donner un rôle, et même parfois même lui donner le rôle principal, c’est sans contredit pour signifier sa présence et crier haut et fort que le théâtre ne peut avoir lieu sans lui, et lui permettre d’échapper, pour un court instant, aux codes du divertissement qui l’annulent, le rendent passif, voire carrément absent. Car cette échappée, peut-être infime, minuscule, n’en constitue pas moins un pas de plus vers sa propre liberté.

Je ne veux pas faire de leçons à personne. Je cherche, le plus honnêtement possible, à partager mes peurs. Je trouve un sens au théâtre quand il me rend plus libre. J’espère écrire des pièces qui auront un écho dans la vie des autres et qui répondent ultimement aux questions que je me pose moi-même quand je m’assois dans une salle: « Qu’est-ce que je fais ici? Qu’est-ce qu’on veut me dire? Pourquoi maintenant? »


Le théâtre est une forme d’art qui appartient à un autre temps, et de ce fait révèle quelque chose de particulier sur notre temps. Comme si on tentait de témoigner de notre réalité moderne en peignant les parois d’une caverne avec les doigts. C’est ce décalage qui lui permet d’être notre contemporain : se donner rendez-vous dans un lieu réel, s’y rassembler pour un temps donné, durant une heure, deux heures, y respirer un même air, y vivre un même présent. Prendre tout ce qui empêche la prise de conscience de notre propre pouvoir et le mettre sur scène. Tenter de le voir, de le comprendre, et retourner chez soi avec une part de liberté peut-être minuscule, mais qui reste et persiste.

Merci aux membres du jury et à tous ceux qui œuvrent pour ce prix extraordinaire. Merci à Paul Lefebvre, Caryl Churchill, Maureen Labonté et André Brassard qui ont non seulement appuyé ma candidature, mais ont encouragé et inspiré mon travail depuis bientôt 20 ans. Car outre l’argent, le temps ou les moyens qu’il permet, voilà pour moi la signification profonde de ce prix : encourager le désir d’une liberté toujours plus grande, de ces désirs qui durent et persistent.

2014 Protégé

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