Briser le théâtre pour le reconstruire : Conversation avec Dasha Plett
Dasha Plett, conceptrice sonore, compositrice et cofondatrice de We Quit Theatre, repousse les limites de la représentation théâtrale. Son travail se situe entre révérence et rébellion, embrassant la nature imprévisible de la performance en direct tout en critiquant les structures qui façonnent le théâtre traditionnel. Lors d'une conversation avec Sam Woods, gestionnaire communautaire de la Fondation de théâtre Siminovitch, Dasha a partagé ses valeurs artistiques, son processus créatif et le besoin urgent de repenser les façons dont nous faisons et vivons le théâtre.
Quitter le théâtre pour le sauver
Fondé par Dasha et une autre artiste de Winnipeg, Gislina Patterson, We Quit Theatre est né d'une frustration à l'égard des méthodes conventionnelles de création théâtrale. Le nom de la compagnie est une provocation qui résume un amour profond pour la forme d'art et un désir de la briser pour trouver quelque chose de nouveau. « Nous aimons le théâtre et nous voulons le briser, le quitter et le redécouvrir », explique Dasha. Leur travail remet en question l'approche dominante du théâtre, centrée sur le texte, en privilégiant des styles de performance qui empruntent à la danse, aux concerts de heavy metal, aux talk-shows de fin de soirée, aux conférences universitaires et même à la lutte.
Leur première pièce, 805-4821, illustre bien cette philosophie. La performance utilisait un rétroprojecteur, non pas pour faire des ombres chinoises, mais comme un hybride numérique-analogique qui projetait du texte fragmenté et de la vidéo. Le public a vécu la pièce dans un quasi-silence, absorbant les mots révélés une ligne à la fois. Il s'agissait d'une expérience de perception et de présence, d'une tentative délibérée de perturber les rythmes attendus de la narration théâtrale.
Réimaginer la performance et l'expérience du public
Pour We Quit Theatre, l'expérience théâtrale traditionnelle est souvent trop polie, rigide et détachée de la spontanéité qui rend le spectacle vivant passionnant. « J'aime quand les choses tournent mal », admet Dasha. « C'est tellement ironique que nous fassions cette chose éphémère, en direct, mais que nous voulions que ce soit comme un film - parfait, contrôlé ». Au contraire, leur travail considère le hasard et l'erreur comme des éléments essentiels de la performance.
Cette philosophie subversive s'étend à leur approche de la narration. Leur production i am your spaniel ; or, A Midsummer Night's Dream by William Shakespeare by Gislina Patterson s'attaque à la fixation institutionnelle du Canada sur Shakespeare. Elle s'interroge sur les raisons pour lesquelles la représentation de Shakespeare reste centrale dans le paysage culturel, souvent sans être remise en question. Le spectacle mêle histoire, critique politique et récit personnel, soulignant l'engagement de We Quit Theatre à mêler l'intellectuel à l'intime.
Le facteur Winnipeg : Briser l'échelle des carrières
Établie à Winnipeg, Dasha reconnaît que le fait de travailler à l'extérieur des grands centres théâtraux comme Toronto, Montréal et Vancouver présente des défis uniques, mais aussi des libertés inattendues. « Il n'y a pas d'échelle à gravir ici, explique-t-elle. « On peut travailler dans les plus grandes institutions de la région alors qu'on est encore très jeune, ce qui signifie que l'on voit aussi beaucoup plus tôt l'illusion du carriérisme. » Plutôt que de se fixer sur l'ascension des hiérarchies institutionnelles, Dasha et Gislina ont tracé une voie différente, qui contourne la validation traditionnelle en faveur de l'indépendance artistique.
Mentorat et croissance : Apprendre de Debashis Sinha
Dans le cadre de son parcours en tant que conceptrice sonore, Dasha Plett est encadrée par l'artiste de renom Debashis Sinha (finaliste du Prix Siminovitch 2024), qui l'a sélectionnée pour recevoir une bourse d'artiste émergent en 2024. Ce mentorat s'avère déjà inestimable, car Deb a activement mis Dasha en contact avec des personnalités clés de la scène théâtrale canadienne. Grâce à ces nouvelles relations et opportunités, elle renforce non seulement ses compétences en conception sonore, mais elle est également aidée à naviguer dans le paysage artistique plus large avec plus de confiance et de soutien.
Prochaines étapes : Repousser les limites
À l'horizon, We Quit Theatre prépare GLORY!- un hybride danse-théâtre dont la première aura lieu à Winnipeg cet automne. Le spectacle explore l'héritage du féminisme des années 1970 et de la transphobie contemporaine, en établissant des liens inattendus entre les décennies. Dasha elle-même incarnera l'icône féministe Gloria Steinem dans ce qu'elle décrit comme une performance scandaleuse. Parallèlement, elle poursuit son travail de compositrice et de conceptrice sonore, collaborant avec la chorégraphe Alexandra Elliott sur un nouveau projet qui devrait voir le jour cette année.
Le travail de Dasha Plett résiste à toute catégorisation. Il est à la fois politique et profondément personnel, rigoureux et chaotique, rejetant la tradition tout en reconnaissant son influence. Alors que Dasha et We Quit Theatre continuent de repousser les limites de la performance, ils nous rappellent que le théâtre est plus vivant lorsqu'il est instable, qu'il n'a pas peur et qu'il n'est pas prêt à se contenter de ce qui est attendu.
Le travail de Dasha et We Quit Theatre vous intéresse ? Regardez leur court métrage commandé par stratfest@home Men Explain Things to Us… And We Like It! ici.