Nadia Ross

Nadia Ross

Lauréate, 2016

Image : Nom, Titre, Description

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2016 Lauréate

Nadia Ross est, depuis 1992, Directrice artistique de STO Union, compagnie dédiée à la création d’œuvres pluridisciplinaires et de théâtre expérimental pour la scène. Depuis, STO Union est devenu une compagnie de tournée internationale qui présente des œuvres canadiennes originales dans des festivals au Canada et dans le monde entier. Maintenant basée dans la région de l’Outaouais/Ottawa la compagnie a débuté à Toronto. Son travail se caractérise par un immédiat, une intimité tangibles pour le spectateur. Son approche est non-spectaculaire: elle se concentre sur la fragilité des interactions humaines et leur complexité. La beauté chez les humains s’oppose de façon contradictoire à notre ignorance collective. Dramaturge dévouée, ses projets font l’objet d’une recherche minutieuse et se situent dans un long narratif historique. Rebelle affirmée, elle n’a jamais dévié du chemin de l’authentique exploration, et elle est une précurseure du mouvement international post-dramatique.

Discours d’acceptation

Je vous remercie du fond du cœur pour ce prix magnifique, qui reflète le travail de tous mes collaborateurs artistiques au fil des ans. Je tiens à remercier la famille Siminovitch, visionnaire et généreuse. Votre incidence sur le théâtre est immense! Merci également aux membres du jury : Bob White, Micheline Chevrier, Linda Gaboriau, Mieko Ouchi et Sarah Garton Stanley. Je suis très honorée que vous, mes pairs, m’ayez choisie. Merci, enfin, au Centre national des Arts. Je veux aussi prendre un moment pour rendre hommage aux gens qui étaient en nomination avec moi et pour les remercier :

Ross Manson, dont la gentillesse et l’honnêteté me touchent profondément. Tu es ce bon citoyen qui aime la vérité et la droiture jusqu’à la passion, et nous en profitons tous.

Ravi Jain : ta générosité et ta hauteur de vues ont infléchi la vie d’innombrables personnes. Ton grand cœur nous accueille tous et ouvre des portes à une foule de gens. Ton altruisme est un bienfait pour nous tous.

Jonathan Christensen : c’est ton courage que je retiens. Le courage d’aller à l’aventure, de prendre les rênes d’une compagnie et de la mener tambour battant vers le succès. Tu es profondément courageux.

Christian Lapointe, tu es l’enfant sauvage de la nature, un esprit directement inspiré par une force mystique. C’est un honneur de te connaître.

Ma vie est menée par la Force créatrice. C’est vraiment elle qui mène. Je m’y soumets. Je me contente de suivre ses ordres. C’est comme une autre personne qui vivrait en moi. Je la regarde choisir et faire des choses que moi je n’aurais pas nécessairement faites. Parce que moi, je suis pleine de doutes. Je doute de tout. Je doute de moi, je doute de mon travail. Je ne peux pas m’empêcher de penser que la prochaine pièce sera ma plus réussie. Je ne me repose jamais sur mes lauriers. À l’instant même, debout, ici, je doute. La Force créatrice n’exclut pas le doute, mais elle, par contre, ne doute jamais. Alors je lui cède la place et je la laisse faire ce qu’elle compte faire. Je l’observe, en coulisse, démunie. J’ai souvent très très peur. J’essaye de tenir la cadence de la Force créatrice et de la suivre dans ce tourbillon où elle m’emporte et me secoue. C’est une force. Vous avez choisi de me récompenser, mais moi, je m’écarte pour laisser voir clairement ce qui doit être récompensé : c’est la Force créatrice. Moi, personnellement, je n’ai aucune idée de ce qui m’a menée sur cette scène, ce soir. Je me suis laissé absorber par l’énergie. Elle a suscité ma curiosité. Je l’ai suivie comme une marotte, une obsession, à l’évidence, parce qu’il n’y a rien de plus beau, pour moi, que la Force créatrice.

La Force créatrice résiste à tout. La Force créatrice nous tue et nous ramène à la vie. La Force créatrice nous tire de l’immobilité, de la tranquillité, de ce moment où les lumières s’éteignent, quand nous sommes assis tous ensemble dans une salle sombre.

Cette pause sacrée.

Ce néant précieux.

Obscurité lumineuse.

Paix.

Puis l’étincelle jaillit et devient un monde plein de vie. Une vie qui se joue devant nos yeux. Un drame lourd. Qui lui aussi prend fin. La noirceur revient imprégnée de sa tendre paix.

C’est tendre. Cette paix. Cet espace. Ce calme.

Voilà la source créatrice.

Ici même, à l’instant.

C’est d’elle que jaillit le monde du théâtre.

Et je répète, comme une prière :

La Force créatrice résiste à tout. La Force créatrice nous tue et nous ramène à la vie. La Force créatrice nous tire de l’immobilité, de la tranquillité, de ce moment où les lumières s’éteignent, quand nous sommes assis tous ensemble dans une salle sombre.

Cette pause sacrée.

Ce néant précieux.

Obscurité lumineuse.

Paix.

Puis l’étincelle jaillit et devient un monde plein de vie. Une vie qui se joue devant nos yeux. Un drame lourd. Qui lui aussi prend fin. La noirceur revient imprégnée de sa tendre paix.

C’est tendre. Cette paix. Cet espace. Ce calme.

Voilà la source créatrice.

Ici même, à l’instant.

C’est d’elle que jaillit le monde du théâtre.

Et quel monde! Magnifique et terrifiant. Cruel et généreux. Regorgeant de politique, de religion et d’histoires pour durer l’éternité. Nous nous efforçons de comprendre ce monde. Pour être au moins conscients de ce qui nous échappe. Pour nous libérer. Nous débarrasser du doute et de la peur et de l’ignorance. Or, malgré tous nos efforts pour éviter ce que nous n’aimons pas, nous n’y arrivons pas. Que faire?

Le jouer, les uns devant les autres, en espérant faire briller la lumière qui est en soi. Cette lumière, cette étincelle en soi qui surgit de cet espace lumineux. De cet espace d’où émergent le courage, l’honneur, la générosité, la frénésie. Une fois sur scène, on joue avec ces forces, comme avec l’ignorance qui est leur éternelle ennemie. On voit à la fois le gagnant et le perdant, l’allié et l’ennemi, celui qui est pétri de doutes et l’essence qui cimente le tout. On assimile les opposés. On retient les contradictions dans cet espace unique. Et c’est en conjuguant les opposés, l’autre et soi, qu’on se transforme. Voilà le pouvoir fondamental de cette forme d’art. Un pouvoir formidable! Ce pouvoir ne s’exerce nulle part ailleurs que dans cet espace, avec des gens qui, ensemble, concentrent leur attention sur le même objet et sur la même histoire pour en permettre la transmission. Une transmission qui s’effectue dans notre corps, par notre présence, ici, parmi nous. Ensemble, nous avons maintenant ce pouvoir de croître de façons totalement inattendues.

D’être plus conscients.

De sentir davantage, de savoir davantage, d’éprouver davantage, d’aimer davantage.

Je me figure Elinore Siminovitch comme une femme pleine de la Force créatrice. Elle a dû beaucoup, mais beaucoup aimer le monde pour être si prolifique et créer autant qu’elle l’a fait.

J’ai croisé Dr. Lou Siminovitch, l’autre soir. Je tenais à le remercier de cet honneur. Il m’a dit : « J’ai fait un beau mariage. Un beau mariage. Elle ne s’intéressait pas du tout à la science [et ici il a ri]. J’ai fait un beau mariage. »

J’ai été bouleversée par l’amour qui modelait sa voix. J’ai compris toute la profondeur de l’émotion, de l’honneur et du respect qu’il y a dans ce prix.

Moi aussi, j’ai fait un beau mariage. Avec Rob Scott, mon collaborateur de toujours, que j’adore. Ensemble, avec George Acheson, mon meilleur ami et l’aiguillon de mon inspiration, avec Sarah Conn, Jacob Wren, Tracy Wright, qui n’est plus, Barry Padolsky, Steve Lucas, Wayne Hunter, les gens de Wakefield qui m’ont soutenue et qui créent avec moi depuis dix ans, et tant d’autres artistes, au Canada et ailleurs. Ensemble nous sommes allés au feu pour partager avec le monde ce que nous sommes. Nous avons été cette petite compagnie indépendante qui, comme le petit train qui a gravi la montagne, a poursuivi son chemin en dépit de tous les obstacles. Nous avons poursuivi notre chemin parce que c’est ce que nous faisons. Et nous le faisons parce que nous aimons le monde autant que nous le haïssons. Nous savons que la solution passe forcément par la créativité, et qu’elle honorera la vie, la mort et tout ce qu’il y a entre les deux. Merci d’être mes compagnons de création. Ce soir, plongeons dans la nuit et laissons la vie nous emporter là où elle veut. Faisons-le comme des frères et des sœurs, comme des compagnons voguant sur cette mer de changement, inspirés, soûlés par la vie. Et créons au fil du voyage des chansons et des poèmes magnifiques pour nous divertir et nous éclairer les uns les autres, pour nous réconforter et pour célébrer.

Kathy Siminovitch est convaincue que sa mère « aurait été ravie non seulement de voir récompensée l’excellence en art dramatique, mais aussi de constater qu’un artiste de la relève voyait son travail reconnu et offert au public ».

Ces mots ont guidé le choix de mes deux protégées. Fidèle à la tradition de l’apprentissage, je veux rendre hommage aux apprenties qui sont actuellement auprès de moi. Sarah Conn, toi qui es avec moi depuis quelques années déjà, je te remercie d’avoir proposé ma candidature. Sans toi, je ne serais pas ici ce soir. En te choisissant comme lauréate, à mon tour, je te demande de partager ton grand cœur et ta ténacité avec le monde, à travers ton travail. Le monde manque de cœur et même si le tien te semble incroyablement vulnérable, ne t’en fais pas : il est plus robuste que tu l’imagines. Shaista Latif est ma nouvelle protégée. Shaista, je t’ai choisie pour ton esprit impétueux et ton humour extravagant. Je t’en prie : fais en profiter tout le monde. Nous avons tous besoin de voir plus clairement ce que nous préférons éviter. Aide-nous avec humour et compassion. Surtout, qu’aucune de vous deux ne se départe jamais de sa curiosité : c’est un instrument incontournable qui vous fera venir à bout de tout.

2016 Protégés

Sarah Conn
Shaista Latif

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Sarah Conn

Sarah Conn

Protégée, 2016

Image : Nom, Titre, Description

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Sarah Conn est productrice artistique de STO Union et elle est une des artistes qui collaborent avec la compagnie. Depuis 2010, elle a produit des ateliers locaux, des événements et spectacles ainsi que des tournées internationales pour STO Union, et elle présente régulièrement la compagnie à des événements industriels et des congrès. Sarah crée et joue dans des pièces, des installations, du théâtre in situ, et ses œuvres ont été présentées aux principaux festivals de théâtre contemporain au Canada.

Discours d’acceptation

Shaista : Bonjour Sarah.

Sarah : Bonjour Shaista.

Shaista : Je pense que nous sommes toutes les deux très excitées d'être ici, n'est-ce pas ?

Sarah : Oui, c'est très excitant.

Shaista : Comment expliquer ce moment de lucidité où on se rend enfin compte qu’on est fou. En fait, vous êtes tous un peu fous! Fous de votre travail, au point de persévérer, peu importe le nombre d’obstacles rencontrés en chemin. Mais sérieusement. C’est quoi, le théâtre? Je ne sais pas. Et j’espère que je n’aurai jamais le sentiment de le savoir parce que le théâtre n’a ni commencement ni fin et n’est relié à aucune forme de narration. C’est ce qui rend le théâtre indéfinissable et j’espère que c’est comme ça que les artistes de couleur sont perçus au-delà de nos marques identitaires. Quand je pense au théâtre, je pense à la puissance des histoires et je pense aux moments qui se présentent chaque jour. Je pense au quartier de mon enfance, ces blocs d’appartements de Scarborough où s’entassaient des familles comme la mienne, des gens venus d’ailleurs. Je pense à ma mère qui m’emmenait à des classes d’anglais langue seconde dans son uniforme de salon de beauté et qui me criait en farsi de courir plus vite. Je pense aux mains de mon père sur le volant de son taxi, qui parcourait la ville à collectionner des histoires à partager. Je pense à ce voyage que j’ai fait il y a trois automnes pour suivre un atelier avec Nadia. Je suis arrivée à Montréal, mes bottes trouées calfeutrées de sacs en plastique, poussée par mon instinct. Et comment, avec le temps et du dialogue attentionné, Nadia est devenue mon mentor et mon maître du temps, de la présence et de la résilience. Je pense à Sarah Conn et ce que cela représente de partager cette reconnaissance avec une artiste dont la dévotion et la bonté continuent de démontrer ce qui est possible quand la discipline se joint à la créativité. Je pense à tous ces gens qui ont fait confiance à mes aptitudes. Je serai éternellement reconnaissante et redevable à ceux et celles qui m’ont mise au défi d’être plus que je ne l’aurais jamais imaginé moi-même (en farsi). De tout mon coeur, je vous remercie.

Sarah: En 2007 j’étais assise dans ce théâtre avec ma mère et nous regardions 7 Important Things de STO Union. Je n’avais jamais rien vu de semblable. Nadia et George, les interprètes, créaient cette incroyable intimité dans le théâtre alors qu’ils évoquaient des moments très personnels de leur vie.

L’intimité m’a toujours fascinée. Comment je me sens par rapport à vous, comment vous vous sentez par rapport à moi, ce que ça prend pour qu’on soit ici tous ensemble.

Quand j’ai commencé à travailler avec Nadia, elle a fait tout son possible pour me décourager. Je pense qu’elle voulait s’assurer que j’avais vraiment l’intention de faire du théâtre. Mais je suis extrêmement tenace et, sept ans plus tard, je suis toujours là, à produire, à créer, à faire des mises en scène partout dans le monde pour STO Union. Et c’est grâce la générosité de cette femme et sa passion à transmettre son savoir.

Le plus beau cadeau que Nadia m’ait fait, c’est son inconditionnel engagement face à la vérité. Il n’est pas facile de travailler avec quelqu’un qui est tellement amoureux de la vérité. On ne peut rien balayer sous le tapis. Mais c’est incroyable d’avoir quelqu’un qui croit tellement en vous qu’elle dit la vérité, même quand ça fait mal et même si vous avez la larme facile comme moi. J’ai appris que la véritable intimité, c’est la vérité et, bien sûr, l’art. Et c’est ce qui nous permet d’être ici, ensemble.

La vérité, c’est que je suis tellement fière d’être ici. Je suis tellement fière de recevoir ce prix dans ma ville, dans la ville où je pratique mon art, dans un théâtre où je venais déjà petite fille. Je suis tellement fière d’avoir l’occasion de poursuivre cet héritage avec autant de vérité que j’en suis capable et aussi que je vais le faire avec Shaista, une artiste profondément compatissante et terriblement talentueuse – qualités essentielles de nos jours.

Shaista: Merci Sarah. merci Nadia. Notre très profonde gratitude à la famille Siminovitch, au Centre national des arts et, bien sûr, à Elinore qui a eu le courage de poursuivre sa passion et son but avec lucidité et empathie. Nous sommes tellement reconnaissantes au jury d’avoir reconnu le talent formidable de Nadia, et à Nadia de nous avoir choisies comme protégées.

Sarah: Nadia parle souvent de passer le fil rouge du savoir, et du fait que nous faisons partie d’un tout plus grand que nous. Qu’en recevant ce prix et ce savoir, nous recevons aussi la responsabilité de continuer – à poser des questions, à remettre en question la forme de l’art et à créer des espaces où tout le monde est bienvenu. C’est une responsabilité que nous ne prenons pas à la légère et nous en sommes véritablement honorées.

Merci infiniment.

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Daniel Brooks

Daniel Brooks

Lauréat, 2001

Image : Nom, Titre, Description

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2001 Lauréat

En 2001, Daniel Brooks, alors créateur, metteur en scène, auteur et comédien, était déjà un artiste prolifique et aux talents variés, acclamé et primé partout au pays pour ses œuvres. Il a cofondé la compagnie de théâtre Augusta, il a été metteur en scène à Soulpepper, auteur en résidence au théâtre Tarragon et il a eu l’honneur de voir ses œuvres faire le tour du monde avec la compagnie da da kamera. Plus récemment, Daniel Brooks a assumé la direction artistique de la compagnie Necessary Angel.

Dans son éloge à M. Brooks, le jury a déclaré qu’il « reconnaît et tient à souligner la profondeur de son engagement, sa discipline intellectuelle et sa brillante technique de la scène. Ayant été co-créateur puis metteur en scène, il a aussi acquis une envergure impressionnante comme interprète. Il s’est attaqué, avec idéalisme et intrépidité, à des œuvres complexes, aussi bien contemporaines qu’historiques. Sa rigueur, communicative et stimulante, inspire les artistes, notamment les comédiens et les scénographes qu’il réunit à l’intérieur d’ensembles voués à la recherche. Et ce qui est plus remarquable encore, Daniel Brooks a réussi à travailler de manière autonome et à se tailler une réputation enviable à l’extérieur des cadres des grandes compagnies. Il est, dans tous les sens du terme, un artiste indépendant, qui transforme consciemment et fièrement la scène en un lieu de débats moraux et de merveilles théâtrales.»

2001 Protégé

Hommage à Daniel Brooks

« Il y a tant que l'on peut dire sur Daniel. C'est ce qui m'est venu à l’esprit ce matin. 

Daniel pouvait être un vrai connard. Je sais que je suis en famille ici, alors je sens que je peux le dire. 

Il pouvait vraiment en être un. Ou du moins avec moi. Par exemple, il y a la fois où il m'a emmené déjeuner après avoir vu ma production de Blasted et m'a essentiellement réprimandé pendant une heure pour lui avoir volé tout ce qu'il avait déjà fait. Il y a la fois où il m'a dit que je n'obtiendrais jamais, pas dans un million d'années, le poste chez Buddies . Et puis la fois où il m'a dit que la seule raison pour laquelle j'avais obtenu le poste chez Buddies, c'était lui. Il y a la fois où, après un atelier pour un spectacle qu'il développait, il m'a appelé pour me dire à quel point il détestait la façon dont je me comportais. Je lui ai dit que ça avait été vraiment génial, puis je suis parti manger.

En plus d'être un connard, Daniel était un grand artiste. En faisant de Daniel le premier récipiendaire de ce prix prestigieux, le Prix Siminovitch a établi une norme élevée d'excellence théâtrale dans ce pays. Dans mon esprit, Daniel incarnait toutes les caractéristiques de l’artiste, avec un A majuscule. Il était curieux, infiniment curieux. Astucieusement critique. Il était observateur, à l'écoute et allumé. Il avait une esthétique impeccable – bien que vous ne le devineriez pas si vous vous fiiez sur son sens de la mode. C'était un penseur profond et en même temps un être complètement cinétique. Sensuel même. Mes sens étaient toujours aiguisés dans ses spectacles. 

Au fond de lui-même, Daniel était gentil mais il était aussi trouble. Il ne maîtrisait pas toujours son ego, qui était considérable. Il avait un esprit plutôt mercuriel, changeant. Excessivement sensible. Il pouvait être distant – froid. Il pouvait être d'une indécision frustrante. D'autres fois, terriblement exigeant. Il pouvait perdre de vue le fait que les gens faisaient tous de leur mieux. Il oubliait à quel point tout le monde autour de lui voulait juste lui faire plaisir. 

Pourquoi est-ce que je dis ces choses à propos de Daniel ? Cet homme que j'admirais tellement et que j'ai fini par aimer vraiment.

Daniel m'a dit un jour qu'il voulait être téméraire avec la frontière entre l'art et la vie. Je pense que c'est la plus belle chose qu'une personne puisse faire. Passer une vie absorbée par une tâche si imaginaire, si impossible, si infinie, si illimitée, si impermanente ; inutile, certains pourraient même dire. Pourrait-il exister quelque chose de plus beau ? 

Daniel m'a aussi dit une fois que, dans une salle de répétition, nous devons être prêts à nous blesser émotionnellement les uns les autres. Cela m'était plus difficile à accepter – j'ai vraiment besoin d'être aimé. Mais je pense qu'il avait raison. Parce que la vulnérabilité est une condition nécessaire à notre forme d'expression artistique – et avec la vulnérabilité vient le risque d'être blessé. Parfois, il me blessait. Je ne pense pas qu'il le faisait par cruauté. Mais il le faisait. Je suis sûr que je l'ai blessé. C'est ce que nous faisons. Nous blesser les uns les autres. Parfois.

Je suppose que je partage cela parce que je veux rendre hommage à Daniel, d'avoir été trouble. Je veux célébrer la turbidité de notre vocation. En tant qu'artistes, nous ne sommes pas des saints. Nous sommes des prophètes. Et la poésie naît du trouble compliqué qu'est notre humanité. Et l'art et la vie de Daniel étaient si délicieusement humains.

Merci au Prix Siminovitch de reconnaître le génie de Daniel et de continuer à fêter le courage et le génie de tous les artistes phénoménaux honorés ce soir.

- Brendan Healy, 4 décembre 2023

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Geneviève Billette

Geneviève Billette

Protégée, 2002

Image : Nom, Titre, Description

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Geneviève Billet est une auteure qui vit à Montréal. Avec un diplôme en Études françaises de l’université de Montréal et en dramaturgie de l’École nationale de théâtre, elle se consacre à l’écriture, à la traduction et elle enseigne au département de théâtre de l’Université du Québec à Montréal (UQÀM).

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Carole Fréchette

Carole Fréchette

Lauréate, 2002

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2002 Lauréate

Lorsqu’elle a gagné le prix Siminovitch, la dramaturge montréalaise Carole Fréchette avait déjà écrit plus de huit pièces, la plupart ayant été publiées au cours des cinq dernières années. En faisant connaître leur choix, les membres du jury ont décrit Mme Fréchette comme une artiste « en pleine possession de ses moyens et au sommet de sa forme », et ont exprimé le voeu que les Canadiens puissent « découvrir et apprécier » cette dramaturge. « De façon subtile et renversante, elle fait appel aux aspects profonds du théâtre pour explorer la part de mystère de la vie quotidienne, a indiqué le jury. Ses pièces concilient le connu et l’inconnu, l’accessible et l’exotique, mariage qui est la marque du grand art.»

Les pièces de Mme Fréchette figurent parmi celles qui ont connu le plus de succès à l’étranger. Traduites en plusieurs langues, elles ont été mises en scène en Belgique, en France, en Allemagne, au Liban, au Luxembourg, au Mexique, en Roumanie, en Suisse et en Syrie, en plus de connaître un grand succès sur les scènes canadiennes.

2002 Protégée

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Jillian Keiley

Jillian Keiley

Lauréate, 2004

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2004 Lauréate

Selon le jury, le travail de la metteure en scène de Terre-Neuve-et-Labrador Jillian Keiley « est fabuleusement original et extrêmement ingénieux. C’est une artiste qui fait preuve d’une vision originale et novatrice et dont les expérimentations, tant sur le plan de la forme que du contenu, créent des moments magiques tant pour le public que pour les comédiens. Tout à la fois cérébrales et viscérales, ses productions explorent souvent les fondements de l’art de la scène avec un effet saisissant.»

Mme Keiley est la fondatrice et directrice artistique de la compagnie Artistic Fraud of Newfoundland, pour laquelle elle a mis en scène 14 nouvelles pièces dont les textes et la musique sont, en majorité, des créations originales du dramaturge Robert Chafe et de la compositrice Petrina Bromley. Depuis 10 ans, Mme Keiley travaille avec la compagnie Artistic Fraud au développement d’une technique chorégraphique et de mise en scène unique en son genre fondée sur la rigueur mathématique et la musique, désignée sous le nom de kaléidographie. Elle enseigne cette technique novatrice dans les universités et les instituts de formation professionnelle partout au pays depuis six ans.

Discours d’acceptation

Je tiens à remercier de tout cœur le Dr Siminovitch, M. et Mme Comper, les fondateurs du Prix Siminovitch, les membres du jury, Jacoba Knappen, Andrea Lundy, John Van Burek, Blair, Andrew, Joanne, ainsi que tous les employés de BMO et en particulier les organisateurs de cette soirée. Cet honneur a une grande signification pour moi et pour ma communauté, mais c’est surtout ma mère qui en est le plus touchée.

Enfant, j’ai exprimé un jour le vœu de devenir actrice. Ma mère, qui avait suivi une formation parentale, savait exactement ce qu’il fallait dire pour m’encourager à réaliser mes rêves tout en poursuivant des études en éducation. Mon père n’était pas aussi initié et se contenta de répondre par un laconique « hum… ». J’ai donc suivi son conseil et abandonné l’idée de devenir institutrice. Ma mère m’a lancé un regard scrutateur, puis a conclu : « D’accord, fonce! »

Cette année-là, j’ai rencontré Gordon Jones, directeur d’un théâtre d’été qui jouait du Shakespeare. Je lui ai lancé, sur un ton à moitié sérieux : « Et si vous me laissiez mettre en scène la pièce? ». Ce à quoi il a répondu tout simplement : « Non. » Puis, il a pris son gros trousseau de clés et m’a fait signe de le suivre. Nous sommes descendus dans les loges et il m’a dit : « Tu peux t’installer ici pour travailler avec les comédiens. » Je me souviens l’avoir dévisagé d’un air incrédule, comme s’il venait de me donner un million de dollars. « Eh bien? Qu’attends-tu? », m’a-t-il dit. C’est ainsi que j’ai été l’assistante du metteur en scène des pièces de Shakespeare jouées par le théâtre d’été pendant six ans.

Tout cela pour vous dire que j’ai suivi le conseil de mon père et que je me suis inscrite à l’école de théâtre, ici à Toronto, sur la rue Steeles. Pendant ma formation, Chris Tolley et moi-même avons écrit une pièce intitulée « In Your Dreams, Freud », une satire musicale sur les doctrines qui nous étaient enseignées, dans laquelle nous tournions en dérision la psychologie moderne, Aristote, l’amour, les succès de Broadway et l’école de théâtre elle-même. Nous étions très fiers de nous. Nous sommes allés voir les directeurs de programmes pour leur présenter notre projet. Ils nous ont dit : « Vous devrez le produire en dehors des heures de cours. » « Aucun problème », avons-nous répondu. « Oui, mais l’ennui, c’est que vous n’avez pas de temps libre en dehors des cours. » Nous ne nous sommes pas laissés décourager pour autant. Devant notre détermination, ils nous ont dit : « Officiellement, ce n’est pas une bonne idée. Mais voici les clés du théâtre. Débrouillez-vous! »

Après avoir obtenu mon diplôme, j’ai cherché à m’intégrer à une troupe de théâtre professionnelle. J’ai donc harcelé Lois Brown, qui est ici ce soir et qui a été nommée parmi les finalistes de ce prix. Lois dirigeait le Resource Centre for the Arts, qu’on appelait le « Hall ». C’était une femme très occupée, mais je l’ai assaillie de coups de téléphone et de visites pour obtenir un emploi d’été, jusqu’à ce qu’elle me dise : « Bon, qu’est-ce que vous voulez faire? » Je lui ai alors répondu : « Je voudrais monter un grand spectacle de cabaret qui réunirait sur la même affiche tous les membres de la communauté artistique de St. John’s, les plus connus et les nouveaux talents. Le spectacle porterait chaque soir sur un thème différent et nous servirions un dîner sur ce même thème. À la fin de la saison, nous pourrions payer tous les artistes, ne serait-ce qu’une somme symbolique. » Lois m’a donné le feu vert et à la fin de l’été, nous avons envoyé des chèques de 17 $ à tous les participants. Lois, je tiens à te dire combien je suis fière d’être à tes côtés parmi les finalistes de ce prix, et heureuse de pouvoir t’exprimer ma gratitude en public ici, car tu as été un mentor pour moi. Je te remercie du fond du cœur et je me considère très chanceuse d’avoir réussi à te forcer à m’engager.

Je suis donc restée au Centre près de sept ans. Lois était déterminée à poursuivre le projet du cabaret et surtout à y attirer les artistes de la relève. J’ai alors sorti de mes tiroirs la pièce « In Your Dreams Freud ». Nous l’avons produite et l’équipe de production l’a reprise une deuxième, une troisième et une quatrième fois, puis au cours d’une brève tournée. Cette équipe est ensuite devenue la compagnie Artistic Fraud of Newfoundland, celle dont je suis toujours la directrice artistique.

Pendant que j’étais au Centre, j’ai rencontré plusieurs des membres de la nouvelle troupe Artistic Fraud, dont Ann Brophy. Toutes les compagnies de théâtre qui réussissent s’appuient sur une personne comme Ann. Qu’elle s’appelle Mallory, David, Gaylene, Sherrie, ou qu’elle soit à la direction générale ou à la production, son rôle est essentiel. On pourrait croire que le plus grand mérite d’Ann est sa capacité d’équilibrer un budget à un cent près, mais sa qualité première, c’est de pouvoir dire : « C’est un projet difficile. Voyons comment nous pourrons le réaliser… » Notre Ann est une visionnaire, qui conjugue parfaitement expansion et viabilité. Je lui suis très reconnaissante.

Nous travaillons actuellement sur une forme théâtrale que nous avons baptisée la « kaléidographie », comme dans « kaléidoscope ». Pour notre première production, nous avons choisi la fugue de Bach en sol mineur, vous savez « la la la la ». Cette fugue se compose d’une phrase musicale, qui se subdivise en deux, puis en trois, puis en six phrases. Au lieu d’appliquer des valeurs tonales à ces phrases, nous y avons associé une action en respectant la courbe harmonique et les valeurs temporelles. Nous avons créé un scénario basé sur l’histoire d’un groupe d’écoliers qui trichent à un examen de maths. Nous avons remplacé l’harmonie des notes par l’harmonie de l’action. Il s’agissait donc de projeter les dialogues sur le découpage musical. Il nous fallait pour cela un groupe assez nombreux pour créer les différents tableaux correspondant aux motifs musicaux. D’après notre grille, cela faisait au moins 81 acteurs. J’ai donc eu l’idée de m’adresser aux responsables du Sound Symposium de St. John’s : « Je ne sais pas si ça va marcher, mais que diriez-vous de participer… ». Je leur ai exposé le projet que je viens de vous décrire. Ils n’ont pas hésité et se sont lancés dans l’aventure.

Nous avons alors entrepris d’élaborer ce concept et de le concrétiser sous différentes formes théâtrales et visuelles basées sur les règles mathématiques de la musique. Après avoir mis en scène quelques productions de ce genre, j’ai rencontré Norman Armour, du Rumble Theatre, à l’occasion d’une conférence de la PACT (Professional Association of Canadian Theaters). Je crois que nous nous étions retrouvés tous deux au bar après nous être discrètement éclipsés d’une discussion animée entre l’Equity (Canadian Actors’ Equity Association) et la PACT. C’est là qu’il a tenté de m’apprendre à jouer au snooker. Le jeu m’ayant laissée perplexe, j’ai plutôt entrepris de lui expliquer le concept de la kaléidographie et de lui présenter le nouveau spectacle que nous avions monté, Under Wraps, ainsi que notre version de Jesus Christ Superstar, pour laquelle nous avions composé des tableaux visuels et scéniques basés sur la partition originale. Je me souviens que Norman avait trouvé l’idée très amusante, mais trois mois plus tard, il me faisait venir à Vancouver pour présenter ma recherche. C’était la première fois que je communiquais la teneur de nos travaux. Six ans plus tard, je suis encore abasourdie et perplexe en pensant à l’acte de foi que Norman a fait en m’invitant à Vancouver. Et je suis toujours aussi abasourdie et perplexe devant le snooker…

Les actes de foi ont ensuite jalonné ma carrière : des jurys et administrateurs du Conseil des Arts aux producteurs de théâtre itinérant. Pour notre première tournée professionnelle, cinq compagnies nous ont accueillies aux quatre coins du pays. À l’époque, ces compagnies n’avaient aucune raison de me faire confiance ou de miser sur Artistic Fraud, un nom difficile à monnayer en contrats, notamment pour une production de théâtre expérimental dans laquelle 24 acteurs incarnent une symphonie. Mais elles ont dit : « D’accord, si vous vous chargez des déplacements, nous produirons le spectacle. » Nous avons dû faire jouer toutes nos relations – politiques, familiales, etc. – et nous adresser à des gens que nous ne connaissions pas et qui n’avaient jamais entendu parler de nous. Nous avons été photographiés avec le ministre de la Culture, des loisirs et de la jeunesse, à l’occasion de la remise d’un chèque de subvention du ministère qui regroupe aujourd’hui les loisirs, la jeunesse, les mines, les pêcheries et la culture. Nous l’avons ensuite supplié d’être notre porte-parole auprès des compagnies pétrolières. Il nous restait à peine un mois pour réunir les fonds nécessaires et nous avions signé 24 contrats pour une tournée de cinq semaines. Il nous manquait 27 000 $ sur un budget total de 140 000 $. Une semaine plus tard, nous avons dû rayer le Yukon de notre itinéraire. Trois semaines avant notre départ pour Calgary, il nous manquait encore 16 000 $. Notre organisateur a réduit nos réservations d’hôtel d’un tiers en nous regroupant à trois par chambre. Nous avions encore un trou de 8 000 $ à combler une semaine avant Noël et deux semaines et un jour avant le décollage de notre avion, avec ou sans nous à bord. Les idées fusaient : « Laissons tomber les fourgonnettes de location… Découpons les décors et répartissons-les dans les bagages des comédiens… Coupons les honoraires des metteurs en scène, des régisseurs et des auteurs… Ah, c’est déjà fait… Et ainsi de suite… » Puis un appel de Petro-Canada. Joyeux Noël!

Tous les artistes sur lesquels j’ai pu compter pour monter ces productions ont fait preuve d’une foi inébranlable. « Euh, que diriez-vous si nous remplacions tout le texte de La Mouette, de Tchekov, par les instruments d’un quatuor à cordes, et si chacune des répliques interprétées par les acteurs était suivie d’une imitation tonale par un violon ou un violoncelle, qui finirait par remplacer la voix de l’acteur, démontrant ainsi l’importance de la musique dans le sens du langage… » « Euh, pourquoi pas. » « Oui, euh, que pensez-vous de l’idée de jouer devant une série de panneaux figurant les ombres des acteurs, ces ombres étant en fait d’autres acteurs qui imitent ceux qui se produisent sur scène. Lorsque ces derniers mentent, les ombres divergent… » « OK. » « Et si on plaçait les acteurs dans une cabine et qu’on distribuait leurs rôles à des spectateurs qui seraient reliés à eux par des écouteurs, et si les répliques des spectateurs/acteurs étaient chronométrées de manière à ce qu’ils découvrent la trame de la pièce au fur et à mesure qu’ils la jouent? » « Bon, allons-y! »

Je ne sais comment exprimer ma reconnaissance à ces acteurs, musiciens, concepteurs, régisseurs et techniciens pour leur ouverture et leur confiance à mon égard. Il faut dire que parfois, les idées ont l’air complètement farfelues, mais ces artistes me suivent jusqu’au bout. J’ai aussi eu la grande chance de travailler à l’extérieur avec des groupes généreux et ouverts tels que les compagnies Sheila’s Brush et Theatre Newfoundland Labrador. Tous les artistes que j’ai ainsi eu l’occasion de rencontrer ont contribué à l’élaboration de futurs projets : les questions qu’ils posent trouvent leurs réponses dans les prochaines productions.

J’aimerais souligner la contribution spéciale de deux membres de ce groupe d’artistes. Tout d’abord celle de Robert Chafe. Nous avons grandi, Robert et moi, dans la même petite ville de Terre-Neuve, mais ne nous sommes jamais rencontrés parce qu’il est protestant et que je suis catholique et que dans les années 70, ces communautés étaient les deux solitudes. Nous avons eu l’occasion de travailler ensemble et ne nous sommes jamais séparés depuis. Les idées de Robert sont les étincelles qui font briller les notions frivoles qui me viennent à l’esprit et les mettent en chantier. En toute équité, je devrais scier le trophée en deux et en donner la moitié à Robert, mais comme il partage aussi ma vie, le trophée est à l’abri. Robert est un génie. N’en profite pas pour me citer lorsque je te demanderai de couper un scénario! Je t’aime, chéri. Ce trophée t’appartient aussi.

La deuxième personne que j’aimerais vous présenter est une autre metteure en scène qui contribue à la réalisation de ces projets et qui recevra le prix de 25 000 $. Récemment diplômée du programme de mise en scène de l’École nationale de théâtre, elle a déjà lancé deux compagnies à Terre-Neuve. Elle a été la première étudiante de sa spécialité admise au Stratford Festival Conservatory. Brillante productrice, elle a été le cerveau de la tournée dont je vous ai parlé. Elle enseigne à l’École nationale de théâtre et ses étudiants ont pour elle une grande estime. Elle a été mon assistante et metteure en scène adjointe pour plusieurs de nos productions. Cette femme m’a appris énormément sur le métier d’acteur et d’auteur dramatique, mais elle m’a surtout donné une leçon inestimable. J’ai traversé des moments difficiles ces dix dernières années, je le reconnais. Des moments où j’ai envisagé de tout laisser tomber. Cette femme n’a jamais renoncé et je l’ai souvent observée en me disant : « Eh bien, si elle est assez forte pour faire face, moi aussi. » Elle est guidée par une brillante étoile : sa foi en un théâtre qui crée l’événement. Un théâtre qui crée l’événement. C’est une personne à qui je peux dire en toute confiance : « D’accord, fonce! » Mesdames et messieurs, j’ai le plaisir de vous présenter Danielle Irvine.

2004 Protégée

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Danielle Irvine

Danielle Irvine

Protégée, 2004

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01

Son amour pour Shakespeare a inspiré Danielle Irvine à co-fonder le festival Shakespeare By The Sea à St. John’s en 1993. Au cours de sa carrière, elle a passé 6 ans à enseigner à l’École nationale de théâtre, deux saisons au Festival de Stratford, elle a participé aux séminaires pour metteurs en scène du World Stage Festival 2000 et elle a remporté deux prix pour la mise en scène.

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Michèle Magnon

Michèle Magnon

Protégée, 2003

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Michèle Magnon s’est jointe à l’équipe des accessoiristes pour le film The Day After Tomorrow sous la direction de Roland Emmerich, après sa sortie de l’école de théâtre du Cégep de St-Hyacinthe en 2002. Elle a travaillé avec le metteur en scène Serge Denoncourt sur Les Belles Sœurs de Michel Tremblay et Pied de Poule de Marc Drouin, elle a travaillé comme accessoiriste pour le film The Spiderwick Chronicles en 2008 et la pièce Ma Femme c’est Moi au Théâtre du Rideau Vert.

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Louise Campeau

Louise Campeau

Lauréate, 2003

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2003 Lauréate

En conférant le prix Siminovitch à la scénographe montréalaise Louise Campeau, le jury lui exprime son admiration pour ses décors, lesquels selon une citation du jury « reflètent une vision cohérente, raffinée et subtile. Elle a un sens artistique visuel qui sort de l’ordinaire. Cette artiste connaît véritablement le sens du mot collaboration, car elle sait respecter l’expression de l’acteur et offrir aux concepteurs d’éclairages, de costumes et de sons une occasion inespérée de faire en sorte que leur travail s’harmonise au reste de la production. Mme Campeau est une artiste de théâtre extraordinaire dont le travail donne à la mise en scène un sens exceptionnel et dont l’engagement envers l’oeuvre est sans égal. Son travail permet au spectateur de voir et d’entendre plus clairement, et de mieux comprendre la production.»

Diplômée de l’école nationale de théâtre du Canada en 1984, Mme Campeau a conçu environ 60 productions pour 14 compagnies de théâtre québécoises, allant des grands théâtres nationaux aux plus petits espaces expérimentaux.

2003 Protégée

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Magalie Amyot

Magalie Amyot

Protégée, 2003

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La scénographe montréalaise Magalie Amyot a collaboré avec le metteur en scène Éric Jean à divers projets, y compris les décors pour les productions de Hippocampe de Pascal Brullemans, au Théâtre de Quat’Sous, de Cornemuse de Larry Tremblay au Théâtre d’Aujourd’Hui, elle a conçu décors et costumes pour Théâtre Prospero, et elle a créé des décors et des costumes pour le Théâtre d’Aujourd’Hui.

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Anton Piatigorsky

Anton Piatigorsky

Protégé, 2005

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Anton Piatigorsky est un auteur primé de fiction, de pièces de théâtre et de livrets. En tant que dramaturge, Anton a remporté deux prix Dora Mavor Moore pour la meilleure pièce, le Summerworks Prize et de nombreuses mises en nomination. Eternal Hydra, commandite du Festival de Stratford pour son 50ème anniversaire, a inauguré le Studio du Festival en 2002. Anton est né et a grandi dans la région de Washington D.C. , il a étudié la religion et le théâtre à l’Université Brown. Il a la double citoyenneté, canadienne et américaine et il vit à Toronto.

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John Mighton

John Mighton

Lauréat, 2005

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2005 Lauréat

En portant leur choix sur le dramaturge torontois John Mighton comme lauréat du Prix Siminovitch 2005, le jury a indiqué qu’il avait été particulièrement impressionné par la fusion remarquable des qualités de l’esprit et de celles du coeur que révèle l’oeuvre de M. Mighton. « Ses textes projettent une vision du monde à la fois unique, singulière et nécessaire. écrites dans le registre de l’implicite, ses pièces ne débouchent pas sur un dénouement, mais laissent la porte ouverte à d’autres possibles. Le dramaturge exprime la grâce, la délicatesse et une exquise humanité. Lorsqu’il propose l’argument de ses pièces, c’est le plus souvent avec une bonhomie fragile, toute personnelle. John Mighton imprègne également ses pièces d’une grande profondeur, partant d’idées complexes et élaborées auxquelles il imprime une facture authentiquement scénique.»

Les pièces de John Mighton, en particulier Scientific Americans, Possible Worlds, A Short History of Night, Body and Soul, The Little Years et Half Life, ont été jouées dans tout le Canada, mais aussi en Europe, au Japon et aux états-Unis. John Mighton s’est mérité plusieurs autres prix nationaux, notamment le Prix littéraire du Gouverneur général de la catégorie théâtre. Sa pièce Possible Worlds a été portée à l’écran par le réalisateur renommé Robert Lepage. En plus d’être auteur de théâtre, M. Mighton est titulaire d’un doctorat en mathématiques de l’Université de Toronto et a été professeur de philosophie à l’Université McMaster. Actuellement, il est professeur adjoint à l’Université de Toronto. Durant les sept dernières années, il a coordonné le programme Junior Undiscovered Math Prodigies (JUMP), initiative inédite selon laquelle les élèves ayant des difficultés en mathématiques peuvent recevoir l’aide d’un mentor. John Mighton a écrit un livre très intéressant sur son expérience dans le cadre du JUMP; ce livre est publié par House of Anansi Press, sous le titre The Myth of Ability: Nurturing Mathematical Talent in Every Child.

Discours d’acceptation

Il y a vingt-cinq ans, lorsque j’étudiais la philosophie à l’Université McMaster, je voulais écrire un livre que j’aurais intitulé « L’Éthique du gaspillage », que j’espérais être la première tentative dans l’histoire des sciences sociales à mesurer de façon précise le temps que les gens gaspillent au travail. Je ne voulais pas me contenter de me pencher sur le temps gaspillé par les personnes qui détestent leur emploi ou qui ne sont pas du tout qualifiées pour occuper leur poste. Je voulais savoir quelle proportion de notre travail est consacrée à la production, à la commercialisation et à l’élimination du large éventail des produits dont personne ne connaissait l’utilité avant l’arrivée des médias de masse.

Je n’ai jamais trouvé le temps d’écrire ce livre, mais comme j’ai passé les vingt-cinq dernières années à faire tout ce que je pouvais pour éviter le travail productif – dans divers domaines – j’estime que j’ai une meilleure idée de la raison pour laquelle notre société est tellement efficace à perdre son temps.

Il me semble qu’il y a toujours deux types d’ignorance au travail dans notre société, l’une extrêmement destructrice et l’autre saine. La forme destructrice de l’ignorance a divisé de nombreuses sociétés; c’est l’ignorance qui dit qu’il y a des différences fondamentales et innées entre les gens : entre les paysans et les nobles, les esclaves et les esclavagistes ou les minorités et les majorités. C’est l’ignorance qui nous porte, même en cette époque de prospérité, à négliger la majorité des enfants en les instruisant dans des écoles où seule une petite minorité est susceptible d’aimer naturellement apprendre ou d’y exceller.

Ma carrière dans le théâtre et les mathématiques a été modelée au départ par cette forme d’ignorance d’une façon que je commence tout juste à comprendre. Je suis venu à ces domaines assez tard dans ma vie, parce que j’ai grandi en me disant que pour être un artiste ou un scientifique, il faut être né avec un don particulier. Ce n’est que lorsque j’ai lu les lettres de Sylvia Plath à sa mère – et j’ai vu comment, adolescente, elle avait appris son art par de petites étapes déterminées, en déconstruisant des poèmes comme des moteurs pour voir comment ils fonctionnaient et en écrivant des imitations des choses qu’elle aimait – que j’ai commencé à croire qu’il existait un chemin que je pourrais suivre pour développer ma propre voix.

Il y a deux ans, lors d’une visite au centre de détention York, j’ai vu des effets du premier type d’ignorance sous sa forme la plus désastreuse. On m’avait demandé de donner un cours de mathématiques à un groupe d’adolescents qui attendaient leur procès et qui n’étaient pas enchantés de passer l’après-midi à faire des mathématiques. J’ai rassuré les élèves en leur disant que s’ils ne comprenaient pas quelque chose dans mon cours, ce serait ma faute, car je ne leur aurais pas donné des explications suffisantes, et ils pourraient donc me demander de recommencer. Je leur ai dit que j’avais moi-même déjà connu des difficultés avec les mathématiques et j’ai promis que j’essaierais de rendre le sujet plus intéressant et plus facile que ce dont ils se rappelaient à l’école. Les adolescents ont réagi à ma promesse exactement comme j’ai vu de jeunes enfants le faire – ils ont vite terminé leurs feuilles de travail et ont demandé aux tuteurs de leur donner plus de travail. Une fille que j’avais entendu se plaindre au début du cours m’a demandé de cocher chacune de ses réponses. Lorsque j’ai eu terminé, elle a dit : « je n’ai jamais eu ça dans ma vie, je n’ai eu que ceci. », et elle a tracé un grand X sur sa page.

La lettre X est un symbole qui décrit bien notre incapacité à nous occuper des personnes qui, comme la fille du centre de détention York, ont de la difficulté ou prennent du retard à l’école ou dans la vie : les lignes croisées évoquent les obstacles que nous mettons, par ignorance et par indifférence, entre la majorité des enfants et leur potentiel non réalisé. Mais la lettre X est aussi un signe universel d’un type d’ignorance et d’indifférence éventuellement rédempteur : en sciences et en mathématiques, c’est la lettre la plus souvent utilisée pour représenter l’inconnu.

Einstein a écrit un jour : « L’expérience la plus belle et la plus profonde que l’on puisse avoir est le sentiment de mystère… Qui n’a jamais connu cette expérience me semble sinon mort, du moins aveugle. Le fait de sentir que derrière tout ce qui peut être vécu, il y a quelque chose que notre esprit ne peut pas saisir et dont la beauté et la sublimité ne nous atteignent qu’indirectement et sous forme d’un faible reflet, c’est la religiosité. En ce sens, je suis religieux. »

Il fut une époque où le théâtre, encore plus que les mathématiques ou les sciences, était un moyen par lequel une société pouvait vivre la religiosité et la sublimité que décrit Einstein. Aujourd’hui, il existe des signes, dans les travaux d’artistes canadiens, que le théâtre pourrait reprendre une partie de son ancien rôle, mais seulement si nous aspirons à faire plus que produire des pièces qui se contentent de divertir ou d’illustrer des idées : nous devrons utiliser les ressources de la scène comme elles étaient utilisées dans le passé, afin de découvrir et de représenter de nouvelles idées au sujet de la nature humaine, de notre place dans le monde et des moyens que nous utilisons pour explorer et communiquer ces idées.

Parmi les artistes qui oeuvrent aujourd’hui dans le théâtre canadien, peu ont travaillé avec autant de rigueur pour mettre au point des outils qui nous permettent de communiquer la religiosité ou le mystère de l’existence que Daniel Brooks, le premier lauréat du Prix Siminovich. Daniel a orienté mon travail et m’a aidé à comprendre comment il est possible, à partir du son le plus simple ou d’un signal lumineux, ou au moyen du regard ou du geste le plus subtile, de créer des mondes entiers dans l’esprit de l’auditoire. J’ai aussi eu la chance de travailler en collaboration avec de nombreux autres acteurs, écrivains, réalisateurs et scénographes de haut niveau, y compris les dramaturges qui ont été mis en candidature ou choisi comme finalistes de ce prix. Je me sens très honoré d’être en leur compagnie.

Nous avons la chance de vivre à une époque où les arts et les sciences convergent par différents moyens vers des perceptions radicalement nouvelles du monde et de la nature humaine. Si nous devions faire du sens profond du mystère qui se trouve au cœur de ces mouvements la base de notre société, plutôt que l’ignorance qui sous-tend nos dissensions et notre cupidité, nous pourrions être moins enclins à gaspiller les ressources dont nous dépendons pour survivre ou à gaspiller les moments sublimes et précieux qui nous ont été accordés dans ce monde.

2005 Protégé

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