Perspectives émergentes : Mayumi Ide-Bergeron

Mayumi Ide-Bergeron and cast in Mizushobai (The Water Trade), with headshot. Costume design by Mayumi Ide-Bergeron. Photo by A J Korkidakis.

Dernièrement, Mayumi Ide-Bergeron pense beaucoup à la Fée Clochette. Elle assiste la conceptrice d’accessoires Karine Cusson sur une nouvelle production de Peter Pan the Musical, et on leur a confié « la Fée Clochette », comme on appelle cette célèbre petite fée en français. Elle me raconte avoir revu tous les films de Tinkerbell faits pour la télévision – qui savait qu’il y en avait autant ? – et elle est frappée par la passion de Clochette pour le bricolage. « Elle essaie de fabriquer des choses utiles à partir d’objets aléatoires, explique-t-elle. Elle construit une voiture avec des écrous, ou elle assemble des trucs trouvés dans les déchets. » En tant que personne qui aime fabriquer des choses de ses mains depuis toujours, Ide-Bergeron se reconnaît bien là.

Ses étés d’enfance passés chez sa grand-mère à Bayfield, en Ontario, comprenaient souvent une sortie familiale au Stratford Festival tout proche, et elle attribue à une production de 2015 de Taming of the Shrew (La mégère apprivoisée) l’idée qu’elle pourrait combiner son amour des arts visuels avec le théâtre pour en faire une carrière. Après quelques années au Collège Lionel-Groulx à Sainte-Thérèse, elle est admise à l’École nationale de théâtre à Montréal. C’est là qu’elle vit aujourd’hui, travaillant, fait plutôt rare, à la fois en théâtre francophone et anglophone. Elle fait, selon ses mots, « le plus beau métier du monde » : « J’ai la chance de faire de l’artisanat et de l’art. Créer une pièce magique avec plein de nouvelles personnes? Rien de mieux. »

Les pratiques théâtrales anglophones et francophones peuvent être très différentes, jusque dans la façon de gérer les accessoires. Souvent, dans le théâtre anglophone, un seul concepteur est chargé à la fois du décor et des accessoires, alors qu’au Québec, il est plus courant que les accessoires aient leur propre concepteur attitré. « On m’a appelée pour concevoir les accessoires parce que le scénographe a dit clairement qu’il ne voulait pas s’occuper des “petites choses” », raconte Ide-Bergeron en riant. Elle conçoit aussi des décors et des costumes, mais elle a manifestement un faible pour les accessoires. Même son projet de scénographie à l’École nationale de théâtre avait un aspect très “accessoires” : à première vue, c’était une cuisine, mais remplie de détails qui se transformaient de manière inattendue – un porte-épices devenait une échelle, par exemple, et une porte de garde-manger se transformait en salle de bain. Depuis l’école, son œil pour le détail n’a fait que s’aiguiser. Elle raconte qu’elle regardait récemment une série hospitalière à la télé avec sa mère et qu’elle a remarqué que tous les classeurs dans le bureau de l’administrateur étaient vides.

Ide-Bergeron s’inspire de concepteurs multidisciplinaires comme Cédric Lord, qui dirige Le Salon Particulier à Montréal — un espace à la fois atelier de menuiserie, salle de répétition, galerie d’art et lieu de rencontre. « Mon bureau de rêve aurait un entrepôt pour les accessoires, tous les outils dont j’ai besoin, plein de tout », rêve-t-elle. « Je suis maximaliste pour les accessoires, et minimaliste pour tout le reste de ma vie. »

Ce minimalisme est sans doute influencé par son engagement envers la scénographie durable. « J’adore parler d’éco-conception », s’enthousiasme-t-elle. « Je suis une fille de la ville, mais je me sens vraiment vivante quand je suis en forêt, en randonnée. » À l’ÉNT, elle a suivi un cours avec la spécialiste des pratiques durables Anne-Catherine Lebeau, ce qui l’a menée à un emploi de chercheuse au sein de son organisme, Écoscéno, qui aide les compagnies artistiques à réduire leur empreinte environnementale. Cette expérience lui a ouvert les yeux sur les nombreux gaspillages de la production théâtrale conventionnelle, avec ses constructions à court terme, très consommatrices de ressources, souvent jetées à la fermeture du spectacle. Aujourd’hui, elle réfléchit à l’impact écologique dès le début de sa démarche : elle fait des recherches sur les matériaux durables, conçoit des structures réutilisables et fouille dans les friperies et les marchés « avec un accessoire en tête, en me demandant comment je peux faire avec ce que j’ai déjà ».

À l’avenir, Ide-Bergeron aimerait voyager pour le travail et souhaite élargir sa pratique afin d’y inclure le cirque et la danse, davantage de conception de costumes et, de manière générale, « apprendre autant de choses que possible ». Elle s’intéresse en ce moment à la fabrication du papier, une technique qu’elle compte explorer lors d’un prochain voyage au Japon. Elle y voyagera avec sa mentore Siminovitch, Sonoyo Nishikawa, qui lui a promis de la présenter à des artistes de théâtre sur place. Elles seront accompagnées d’Annick Bissonnière, Lauréate Siminovitch 2015, une autre rencontre rendue possible depuis qu’Ide-Bergeron a été nommée Protégée par Nishikawa.

Elle se réjouit à l’idée de passer plus de temps avec Nishikawa, tant au Japon que lors d’une résidence de deux semaines à Banff cet automne, offerte par la Fondation Siminovitch en partenariat avec le Centre national des Arts et le Banff Centre for Arts and Creativity. Elle se souvient : « Je me rappelle avoir vu son nom dans les crédits d’un spectacle auquel j’avais été engagée, et m’être dit : ça sonne japonais – j’étais super excitée. Elle habitait sur mon chemin du retour du théâtre ; je la ramenais parfois chez elle, et on avait l’occasion de discuter. Quand j’ai appris qu’elle était nommée, j’étais vraiment ravie pour elle, mais je n’ai jamais pensé qu’elle me choisirait. Maintenant, je suis beaucoup moins gênée de la contacter. On est allées voir quelques spectacles ensemble, et maintenant on planifie notre voyage. »

Les gens sont une grande part de ce qu’Ide-Bergeron aime dans le théâtre. Lorsqu’on lui demande comment ses collaborateurs pourraient la décrire, elle revient à Clochette. « Je suis bonne pour résoudre des problèmes avec les moyens que j’ai, » réfléchit-elle, « mais j’aime apprendre de nouvelles choses. Je bricole tout le temps. »

Mayumi Ide-Bergeron a été choisie comme Protégée de la Fondation de théâtre Siminovitch par la Lauréate 2024, Sonoyo Nishikawa.

Vanessa Porteous est artiste de théâtre, cinéaste et autrice basée à Calgary. De 2018 à 2021, elle a présidé le jury du prix de la Fondation de théâtre Siminovitch.

Mizushōbai (The Water Trade) at the Segal Centre Studio Space
Photo : A J Korkidakis

Playwright: Julie Tamiko Manning
Director: Yvette Nolan
Set Designer: Jawong Kang
Costume Designer: Mayumi Ide-Bergeron
Lighting Designer: Zoë Roux
Sound & Composition: Christine Lee
Graphic Design: A J Korkidakis

Cast: Yoshie Bancroft, Hanako Brierley, Brenda Kamino, Katelyn Morishita, Dawn Obokata